L’intime est, comme le rêve, source d’une intelligence dont nous sommes les récepteurs plus que les ordonnateurs, les déchiffreurs plus que les créateurs.
Vouloir tout savoir de l'autre est une maladie qui tue lentement ce qu'elle désire le plus protéger.
Sans fantasme aucun amour ne tient.
(p. 79)
C'est bien cela qu'on veut souvent posséder chez un être : son secret. On voudrait capter ce qui échappera toujours.
Cette vie est la nôtre, et dans la méconnaissance radicale de notre
désir, il y a tant de souffrance.· Et si peu de liberté.
Il est donc urgent de l'entendre, cette vie secrète, de reconnaître sa ligne de chant dans le bruit ambiant, de dégager son rythme, sa puissance, sa tonalité, sa singularité, pour n'être plus-comme le dit si bien la langue française - soi-même« au secret», c'est-à-dire au cachot.
(p.42 et 43)
Devenir psychanalyste, c'est passer du côté du secret. Choisir la pénombre, le voyage clandestin, un certain silence, ne pas cesser d'être migrant. Dans son étymologie latine, le secret est une mise à l'écart […], la nécessité du secret naîtrait de la séparation originaire des dieux et des hommes. Le secret, le serment et le sacré ont tous trois rapport à l'ineffable, ils sont indéfectiblement liés dans la mémoire de la langue.
Ce secret du moment de la mort - qui concerne tous les vivants - a trouvé dans l'âme humaine son lieu de réflexion, mais aussi, avec la même passion, son lieu de refoulement. Il semble que certains animaux, un peu avant l'heure dite, rejoignent un lieu connu d'eux seuls pour y finir leur vie. Ils en ont la prescience, l'homme, lui, n'en a que le souci.
Science de l'inconscient, la psychanalyse fait le postulat qu'il existe en nous une puissance secrète qui se dévoile dans nos rêves, nos actes manqués, nos lapsus, une vérité dont on ne veut rien savoir.
Elle suppose également que de lever le voile sur la sexualité, la honte, le fantasme, la jouissance, fait advenir le sujet à lui- même d'une autre façon, plus ample, plus féconde, plus pensée.
La levée des secrets est son officine.
(p.40 et 41)
L'entreprise de nivellement que requiert une économie mondialisée s'attaque aussi à l'imaginaire parce là commence le travail de la liberté.
Le fantasme est une langue du désir. Elle est donc secrète.
(p.79)
Le secret est beaucoup plus qu'un avoir. Il est une dimension essentielle de l'être car il permet au cœur de se fortifier, de faire accueil à ce "for intérieur" que nul ne peut forcer.
Partagé, un secret s'affaiblit et perd le rayonnement noir qui en fait sa magie.