On pourrait dire de
Gabriel Lambert qu'il est long « d'une portée de fusil », comme écrivait
Flaubert dans
Madame Bovary, à propos de la seule rue de Yonville.
En effet, pour ceux qui connaissent le sieur Dumas, on serait tenté de penser, à la manière de Cyrano, que c'est un peu court, qu'on ne nous avait pas habitués à ça,
le Vicomte de Bragelonne peut en témoigner !
Mais quelle densité et quel implacable plaidoyer contre la lâcheté que ce roman ! Rarement, l'auteur ne nous aura servi un personnage à ce point maltraité par lui, pour qui il n'a que mépris, se faisant même pour l'occasion le narrateur principal d'une histoire à laquelle il veut insuffler une apparence de vérité, comme cela se pratiquait fréquemment au XVIIIe siècle.
Car ce
Gabriel Lambert, qui, par des moyens malhonnêtes, a tenté de s'élever au-dessus de sa condition, abandonnant les siens sans remords, n'invite à aucune empathie, pas même de la part de l'un des protagonistes du récit, médecin pourtant reconnu pour sa profonde humanité : « Je quittai ce malheureux avec le plus profond dégoût qu'un homme m'ait jamais inspiré. »
Et si le texte soulève quelques grands thèmes de société de l'époque – celle du règne de
Louis-Philippe –, dont la peine de mort n'est pas des moindres, il semble les survoler pour se focaliser sur la seule lâcheté du personnage principal, qui le motive à tous les manquements à la morale. Aussi, quand il devient à son tour victime, forcément lamentable, la pitié qu'il inspire n'est que passagère.
Gabriel Lambert est une histoire à charge, qu'on croirait écrite de la main même d'un homme sans pitié : le comte de Monte-Cristo. Qui sait, c'est peut-être le cas…
Une oeuvre méconnue qui vaut autant pour l'intrigue que ce style nerveux si reconnaissable.