Un titre construit en antithèse, le bagne de Toulon, ses forçats appareillés à la chaîne, au bonnet rouge, aux travaux forcés, l'infamie et la lie humaine ; de l'autre côté, l'opéra de Paris, lieu du grand monde, fréquenté par les jeunes gens fashionables et les jeunes filles à marier, lieu de la galanterie et des duels, le grand monde donc. Cette antithèse renvoie donc à la double vie du personnage, Gabriel Lambert le Bagnard, Henri de Faverne le riche dandy promis à un beau mariage. Entre les deux, un drame que Dumas va nous conter, par l'intermédiaire de plusieurs narrateurs. Mais il y a une troisième identité, celui du premier Gabriel, le jeune fils de paysan, provincial, intelligent et ambitieux, voulant s'élever et faire carrière à Paris. Mais contrairement à Julien Sorel, il n'est pas travailleur, n'est pas prêt à faire des efforts. le premier Narrateur, Dumas lui-même, le constate en le voyant au bagne : pour lui, cet homme est devenu criminel par paresse, trop indolent pour avoir tué. C'est donc un gentil garçon, apprécié dans son village, qui va se perdre.
Les différents récits vont nous permettre de percer les mystères de ce personnage : celui du Narrateur / Auteur qui nous présente le Bagnard. Mais c'est Dumas, il n'arrive pas directement au but, il commence par parler de lui, de ses projets d'écriture, et de sa contemplation de la mer. Or, à Toulon, pour se promener en mer, le gouverneur met à sa disposition une barque menée par des forçats. L'imagination de l'écrivain travaille face à ces têtes pittoresques. On est loin de Hugo ici, pas de jugement moral, pas de grande considération sur le Bien et le Mal, sur la pitié et la rédemption. Ces forçats, comme Rossignol, savent pourquoi ils sont là, acceptent leur sort, ne se soucient que des aspects matériels de leur vie ; Rossignol fait sourire par son langage et son écriture.
Dumas n'est pas Hugo, il ne livre pas un roman à thèse contre la peine de mort, ce n'est pas le Dernier Jour d'un condamné. On ne ressent donc pas de pitié pour le personnage de Gabriel, au contraire, il repousse le lecteur plutôt par sa lâcheté, sa peur de la mort, sa veulerie, et surtout par sa relation avec Marie. Elevés ensemble, il la séduit, lui promet le mariage, lui fait un enfant, pour refuser ensuite de la voir et d'assumer ses conséquences. Il la chasse même pour qu'elle ne compromette pas ses espoirs d'élévation sociale. C'est donc Marie que l'on plaint, que plaint Dumas aussi certainement qu'il ne présente pas comme une pécheresse mais comme une victime, puisque la commuanuté villageoise aussi, le curé notamment, la reconnaît comme une victime. Néanmoins, on comprend bien que Dumas est contre la peine de mort, et, pour son personnage, le bagne apparaît comme une punition pire que la guillotine, car plus longue.
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— Mon cher M. Fabien, continua le roi, sachez bien une chose, c’est qu’il ne tombe pas une tête en France que je n’aie acquis par moi-même la certitude que le condamné était bien véritablement coupable.
« Chaque nuit qui précède une exécution est pour moi une nuit de profondes études et de réflexions solennelles.
« J’examine le dossier depuis sa première jusqu’à sa dernière ligne, je suis l’acte d’accusation dans tous ses détails.
« Je pèse les dépositions à charge et à décharge, loin de toute impression étrangère, seul avec la nuit et la solitude, je m’établis en juge des juges. Si ma conviction est la leur, que voulez-vous ? le crime et la loi sont là en face l’un de l’autre, il faut laisser faire la loi ; si je doute, alors je me souviens du droit que Dieu m’a donné, et, sans faire grâce, je conserve au moins la vie. Si mes prédécesseurs eussent fait comme moi, docteur, peut-être eussent-ils eu, au moment où Dieu les a condamnés à leur tour, quelques remords de moins sur la conscience, et quelques regrets de plus sur leur tombeau.
Une voiture marchait devant la nôtre, et, comme elle prit la porte Maillot, nous ne doutâmes plus que ce fût celle de notre adversaire ; nous ordonnâmes donc à notre cocher de la suivre. Elle se dirigea vers l'allée de la Muette, au tiers de laquelle elle s'arrêta ; la nôtre la joignit, et s'arrêta à son tour ; nous descendîmes.
Ces messieurs avaient déjà mis pied à terre.
Je jetai alors un coup d'oeil sur Olivier.
Un changement complet s'était opéré en lui ; le mouvement nerveux qui l'agitait la veille avait complètement disparu, il était calme et froid ; un sourire de suprême dédain arquait sa bouche, et un léger pli entre les deux sourcils était la seule contraction qu'on pût remarquer sur son visage ; pas un mot ne sortait de sa bouche.
Son adversaire présentait un aspect tout opposé ; il parlait haut, riait avec éclat, gesticulait avec force ; mais, avec tout cela, son visage grimaçant était pâle et contracté ; de temps en temps un spasme nerveux lui serrait la poitrine et le forçait de bâiller.
J'étais vers le mois de mai de 1835 à Toulon.
J'y habitais une petite bastide qu'un de mes amis avait mise à ma disposition.
Cette bastide était située à cinquante pas du fort Lamalgue, juste en face de la fameuse redoute qui vit, en 1793, surgir la fortune ailée de ce jeune officier d'artillerie qui fut d'abord le général Bonaparte, puis l'empereur Napoléon.
Je m'étais retiré là dans l'intention louable de travailler.
— S’il a fait fortune, répondis-je timidement, il faut nous en féliciter ; au moins il sera heureux, lui.
— Fait fortune ! s’écria le père Thomas ; et par quel moyen veux-tu qu’il ait fait fortune ? est-ce qu’il y a des moyens honorables de faire fortune en un an et demi ? Est-ce qu’un homme qui a fait fortune honorablement ne reconnaît pas les gens de son pays, cache son existence à son père, oublie les promesses qu’il a faites à sa fiancée ?
Nous traversâmes une petite cour ; nous entrâmes sous un corridor sombre ; nous descendîmes quelques marches.
Nous trouvâmes un second corridor dans lequel veillaient des geôliers qui, de minute en minute, allaient attacher leur visage à des ouvertures grillées.
Ces cellules étaient celles des condamnés à mort, dont on surveille ainsi les derniers moments, de peur que le suicide ne les enlève à l'échafaud.
Le roman d'Alexandre Dumas a été réimprimé trois fois en deux mois, grâce au succès de l'adaptation cinématographique du "Comte de Monte-Cristo" par Matthieu Delaporte.
Ce phénomène révèle un désir croissant pour le divertissement romanesque.
Pour en discuter, Quentin Lafay reçoit trois invités :
Matthieu Delaporte, co-scénariste du film,
Blanche Cerquiglini, directrice des collections Folio classique chez Gallimard
Tiphaine Samoyault, directrice d'études à l'EHESS
Visuel de la vignette : PATHE - FARGO FILMS - M6 FILMS / COLLECTION CHRISTOPHEL VIA AFP
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