Citations sur Le Bagnard de l'Opéra (24)
D’abord on ne demande en général de conseil que pour se corroborer soi-même dans la résolution qu’on a déjà prise ; ou si, indécis encore de ce que l’on fera, on suit le conseil donné, c’est pour avoir le droit de dire un jour au conseiller : C’est votre faute
J'étais vers le mois de mai de 1835 à Toulon.
J'y habitais une petite bastide qu'un de mes amis avait mise à ma disposition.
Cette bastide était située à cinquante pas du fort Lamalgue, juste en face de la fameuse redoute qui vit, en 1793, surgir la fortune ailée de ce jeune officier d'artillerie qui fut d'abord le général Bonaparte, puis l'empereur Napoléon.
Je m'étais retiré là dans l'intention louable de travailler.
Nous traversâmes une petite cour ; nous entrâmes sous un corridor sombre ; nous descendîmes quelques marches.
Nous trouvâmes un second corridor dans lequel veillaient des geôliers qui, de minute en minute, allaient attacher leur visage à des ouvertures grillées.
Ces cellules étaient celles des condamnés à mort, dont on surveille ainsi les derniers moments, de peur que le suicide ne les enlève à l'échafaud.
Une voiture marchait devant la nôtre, et, comme elle prit la porte Maillot, nous ne doutâmes plus que ce fût celle de notre adversaire ; nous ordonnâmes donc à notre cocher de la suivre. Elle se dirigea vers l'allée de la Muette, au tiers de laquelle elle s'arrêta ; la nôtre la joignit, et s'arrêta à son tour ; nous descendîmes.
Ces messieurs avaient déjà mis pied à terre.
Je jetai alors un coup d'oeil sur Olivier.
Un changement complet s'était opéré en lui ; le mouvement nerveux qui l'agitait la veille avait complètement disparu, il était calme et froid ; un sourire de suprême dédain arquait sa bouche, et un léger pli entre les deux sourcils était la seule contraction qu'on pût remarquer sur son visage ; pas un mot ne sortait de sa bouche.
Son adversaire présentait un aspect tout opposé ; il parlait haut, riait avec éclat, gesticulait avec force ; mais, avec tout cela, son visage grimaçant était pâle et contracté ; de temps en temps un spasme nerveux lui serrait la poitrine et le forçait de bâiller.
— Mon cher M. Fabien, continua le roi, sachez bien une chose, c’est qu’il ne tombe pas une tête en France que je n’aie acquis par moi-même la certitude que le condamné était bien véritablement coupable.
« Chaque nuit qui précède une exécution est pour moi une nuit de profondes études et de réflexions solennelles.
« J’examine le dossier depuis sa première jusqu’à sa dernière ligne, je suis l’acte d’accusation dans tous ses détails.
« Je pèse les dépositions à charge et à décharge, loin de toute impression étrangère, seul avec la nuit et la solitude, je m’établis en juge des juges. Si ma conviction est la leur, que voulez-vous ? le crime et la loi sont là en face l’un de l’autre, il faut laisser faire la loi ; si je doute, alors je me souviens du droit que Dieu m’a donné, et, sans faire grâce, je conserve au moins la vie. Si mes prédécesseurs eussent fait comme moi, docteur, peut-être eussent-ils eu, au moment où Dieu les a condamnés à leur tour, quelques remords de moins sur la conscience, et quelques regrets de plus sur leur tombeau.
— S’il a fait fortune, répondis-je timidement, il faut nous en féliciter ; au moins il sera heureux, lui.
— Fait fortune ! s’écria le père Thomas ; et par quel moyen veux-tu qu’il ait fait fortune ? est-ce qu’il y a des moyens honorables de faire fortune en un an et demi ? Est-ce qu’un homme qui a fait fortune honorablement ne reconnaît pas les gens de son pays, cache son existence à son père, oublie les promesses qu’il a faites à sa fiancée ?
L... ouvrit la porte, un instant après j'entendis le roi qui répondait.
- Fabien, le docteur Fabien? eh bien! mais qu'il entre.
Je profitai de la permission, sans même attendre le retour de mon introducteur. Le roi s'aperçut de mon empressement.
- Ah! ah! dit-il, docteur, il paraît que vous écoutez aux portes ; venez, venez.
J'étais fortement ému.
Jamais je n'avais vu le roi dans une circonstance pareille, un mot de lui allait décider de la vie d'un homme.
La majesté royale m'apparaissait dans toute sa splendeur, son pouvoir en ce moment participait du pouvoir de Dieu.
Il y avait alors sur le visage du roi une telle expression de sécurité, que je repris confiance.
C'était un mélange singulier de vulgarité originelle et d'élégance acquise.
(...) mais, que voulez-vous ? faut être philosophe dans ce monde-ci, quand on n'a pas le courage de se signer à soi-même son passeport pour l'autre.
Inutile, dit V***, inutile ! soyez tranquilles, il ne se tuera pas, je connais messieurs les faussaires de longue date, ce sont des gaillards qui ont le plus grand respect pour leur personne.