Citations sur La Dame pâle (47)
Je restai dans cette chambre immense, dont ma lumière, en se déplaçant, n'éclairait que les parties que j'en parcourais, sans jamais pouvoir en éclairer l'ensemble. Singulier jeu de lumière, qui établissait une lutte entre la lueur de ma bougie et les rayons de la lune, qui passaient par ma fenêtre sans rideaux.
Alors elle commença, en moldave, un discours de bienvenue, auquel sa physionomie donnait un sens facile à expliquer. Elle me montra la table, m’offrit un siège près d’elle, désigna du geste la maison tout entière, comme pour me dire qu’elle était à moi ; et s’asseyant la première avec une dignité bienveillante, elle fit un signe de croix, et commença une prière.
Puis après ces pics alpestres, après ces forêts primitives, comme vous avez eu des montagnes géantes, comme vous avez eu des bois sans limites, vous avez des steppes sans fin, véritable mer avec ses vagues et ses tempêtes, savanes arides où la vue se perd dans un horizon sans bornes ; alors ce n'est plus la terreur qui s'empare de vous, c'est la tristesse qui vous inonde ; c'est une vaste et profonde mélancolie dont rien ne peut distraire ; car l'aspect du pays, aussi loin que votre regard peut s'étendre, est toujours le même.
Au bout de trois mois, Kostaki m'avait cent fois répété qu'il m'aimait, et je le haïssais ; au bout de trois mois, Grégoriska ne m'avait pas encore dit un seul mot d'amour, et je sentais que lorsqu'il l'exigerait, je serais toute à lui.
Répandons la somme de larmes que l’on doit aux morts, puis ensuite redevenons toutes deux dignes de celui qui n’est plus… moi sa mère, vous sa femme ! Adieu ! rentrez chez vous ; moi, je vais suivre mon fils jusqu’à sa dernière demeure ; à mon retour, je m’enfermerai avec ma douleur, et vous ne me verrez que lorsque je l’aurai vaincue ; soyez tranquille, je la tuerai, car je ne veux pas qu’elle me tue.
Alors ce n'est plus la terreur qui s'empare de vous c'est la tristesse qui vous inonde ; c'est une vaste et profonde mélancolie dont rien ne peut distraire car l'aspect du pays , aussi loin que votre regard peut s'étendre est toujours le même. Vous montez et vous descendez vingt fois des pentes semblables , cherchant vainement un chemin tracé : en vous voyant ainsi perdu dans votre isolement au milieu des déserts, vous vous croyez seul de la désolation ; en effet la marche semble être devenue une chose inutile et qui ne vous vous conduira à rien.
Nos monts Carpathes ne ressemblent point aux montagnes civilisées de votre Occident. Tout ce que la nature a d'étrange et de grandiose s'y présente aux regards dans sa plus complète majesté. Leurs cimes orageuses se perdent dans les nues, couvertes de neiges éternelles; leurs immenses forêts de sapins se penchent sur le miroir poli de lacs pareils à des mers; et ces lacs, jamais une nacelle ne les a sillonnés, jamais le filet d'un pêcheur n'a troublé leur cristal, profond comme l'azur du ciel; la voix humaine y retentit à peine de temps en temps, faisant entendre un chant moldave auquel répondent les cris des animaux sauvages : chant et cris vont éveiller quelque écho solitaire, tout étonné qu'une rumeur quelconque lui ait appris sa propre existence. Pendant bien des milles, on voyage sous les voûtes sombres de bois coupés par ces merveilles inattendues que la solitude nous révèle à chaque pas, et qui font passer notre esprit de l'étonnement à l'admiration. Là le danger est partout, et se compose de mille dangers différents; mais on n'a pas le temps d'avoir peur, tant ces dangers sont sublimes. Tantôt ce sont des cascades improvisées par la fonte des glaces, qui, bondissant de rochers en rochers, envahissent tout à coup l'étroit sentier que vous suivez, sentier tracé par le passage de la bête fauve et du chasseur qui la poursuit; tantôt ce sont des arbres minés par le temps qui se détachent du sol et tombent avec un fracas terrible qui semble être celui d'un tremblement de terre; tantôt enfin ce sont les ouragans qui vous enveloppent de nuages au milieu desquels on voit jaillir, s'allonger et se tordre l'éclair, pareil à un serpent de feu.
On voyage sous les voûtes sombres de bois coupés par ces merveilles inattendues que la solitude nous révèle à chaque pas, et qui font passer notre esprit de l'étonnement à l'admiration.
Le chanteur était en même temps le poète. Quant à l’air, il faudrait être un de ces hommes des montagnes pour vous le rendre dans toute sa sauvage tristesse, dans toute sa sombre simplicité.
En voici les paroles :
Dans le marais de Stavila,
Où tant de sang guerrier coula,
Voyez-vous ce cadavre-là ?
Ce n’est point un fils d’Illyrie ;
C’est un brigand plein de furie
Qui, trompant la douce Marie,
Extermina, trompa, brûla.
Une balle, au coeur du brigand
À passé comme l’ouragan,
Dans sa gorge est un yatagan.
Mais depuis trois jours, ô mystère,
Sous le pin morne et solitaire,
Son sang tiède abreuve la terre
Et noircit le pâle Ovigan.
Ses yeux bleus pour jamais ont lui,
Fuyons tous, malheur à celui
Qui passe au marais près de lui,
C’est un vampire ! le loup fauve
Loin du cadavre impur se sauve,
Et sur la montagne au front chauve,
Le funèbre vautour a fui.
- Kostaki vous aime.
Vous ne pouvez vous faire une idée de l'effet que produisirent sur moi ces paroles. Cette protestation d'amour faite au présent au lieu d'être faite au passé ; ce vous aime, au lieu de vous aimait ; cet amour d'outre-tombe, qui venait chercher dans la vie, produisit sur moi une impression terrible.