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Citations sur Le dossier Robert (4)

Tôt le matin déjà, la tristesse s’emparait de lui, au lever et quand il partait travailler, il était triste au travail et triste en rentrant chez lui. Triste chez lui, car il savait très bien que Maria le savait triste. Et le soir sa tristesse se prolongeait car il savait que le lendemain serait pareil à la veille. Dépourvu de lumière et – sans horizon.
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Et puis, un jour, quelques semaines plus tard, la rue vit arriver un homme, gentil, émacié et tout pâle, il contrastait avec les autres types en maillots, ne cadrait pas avec la fabrique de réfrigérateurs & machines à glace Mettich ni avec les poteaux pour battre les tapis qui, de fait, incarnaient les buts des futurs championnats du monde de foot. Dans ses yeux, pas la moindre trace de divertissement. Dans ses yeux, on lisait la peur. Qui avait rampé le long de son visage, jusque sous sa chevelure, et siégeait dans chaque pore. Avait gelé en lui, voilà des années. Mais Johanna, la fillette, avait remarqué sa peur, comme elle l’avait remarqué au milieu de tous les autres. Issue du coin de l’œil, craintive. Elle connaissait ce regard chez sa mère. Et Johanna n’avait pas envie d’en savoir plus que ce qui crevait les yeux : un homme jeune d’à peine vingt-cinq ans. Qui se préoccupait de textes et de livres, qui se prénommait Robert et qui vivait avec Maria, elle l’apprit le soir même. Une soirée d’été tiède, semblable aux autres. Sans lune et légèrement fraîchie. Johanna n’arrivait pas à déterminer avec exactitude ce à quoi il occupait ses journées, de quoi il vivait. Dans l’immédiat, cela ne l’intéressa pas.
Et les trois étés qui suivirent furent vides et chauds. Seuls les hivers ficelèrent les années entre elles et gardèrent printemps et automne liés.
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Finalement, il s’en revint vers la banlieue. Il bifurqua dans l’une des multiples rues transversales. Il y faisait sombre. La rue avait été aménagée à la fin du dix-neuvième siècle, comme tout le quartier. Essor industriel, la ville à son apogée. Aujourd’hui, des toits éventrés, des cheminées effondrées, du stuc effrité. Les maisons avaient l’air miteux, délabré.
« Type de construction non solide, logements dépourvus de salle de bains et de WC, bons pour la démolition » avait déclaré le représentant de la municipalité au comité de la ville, il y a des années.
Celui-ci connaissait le quartier par ouï-dire.
Lui par contre aimait l’endroit parce que Maria l’avait aimé. Partout, elle avait vu une magie subtile, avait su trouver du charme à chaque maison, elle s’était engagée dans la conservation du moindre pignon insignifiant, du moindre balcon ou encorbellement, aussi miteux fut-il. À voix haute et à découvert.
Elle avait donné libre cours à sa colère dans des lettres. Appelé à la raison au moyen de pétitions. Avec des amis ou toute seule. Peu lui importait.
Dans ces rues, les magasins avaient disparu depuis des lustres. Plus de commerces, plus de boutiques. Rien que des immeubles de rapport et des entrées de service ; des arrière-cours avec des hangars et des ateliers, des garages ou des bâtiments isolés, à l’écart, remontant au temps de la fondation du Reich.
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En octobre de l’année 1949, dans la prison des femmes de Hoheneck / Stollberg, Martha F., condamnée à deux fois vingt-cinq ans de réclusion pour incitation au boycott, mit au monde un garçon qu’elle prénomma Hinrich, sans avoir demandé l’avis de son mari. Quelques jours plus tard, l’aumônier de la prison baptisa le petit de l’accouchée sous ce nom, obtenant ainsi pour l’événement une heure de récréation pour les codétenues des cellules du couloir II, bâtiment A. Quand le père de Hinrich, un maître boulanger d’Anklam qui purgeait dans le même temps sa peine à Brandebourg, eut l’occasion de voir son fils pour la première fois, celui-ci était déjà âgé de quatre ans, un mois et trois semaines. C’était en décembre 1953, dans l’une des dernières semaines de cette amnistie mémorable, dont la réalité ne fut que partielle.
À leur libération de prison et après la réouverture de leur ancienne boulangerie, les parents croyaient désormais pouvoir vivre tranquilles avec Hinrich et couler des jours paisibles dans leur chef-lieu retiré du Mecklembourg, même si les autorités municipales leur interdisaient d’embaucher un compagnon ou un apprenti au motif qu’ils étaient employeurs privés. Tout le monde avait besoin de pain et de petits pains, on se passait de grands discours. Les prix étaient fixés et inscrits sur des pancartes accrochées dans la boulangerie.
Dès l’âge de douze ans, et bien qu’il fût encore très fluet, Hinrich allait chercher la farine avec son père après l’école. Même en hiver, par froid glacial, ils poussaient la charrette à bras dans la neige, avec les trois sacs que le père consommait journellement dans son fournil. Trois quintaux – par jour – six fois trois quintaux par semaine – sept kilomètres, du moulin au fournil. Été comme hiver. Six fois trois quintaux, sept kilomètres.
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