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Critique de mfrance


Hommage à Charlotte Delbo, cet ouvrage se présente non comme une biographie mais plutôt comme un arrêt sur les temps forts de son existence et de son oeuvre. Tout d'abord secrétaire de Louis Jouvet pendant plusieurs années, ce qui confortera son amour pour le théâtre, elle sera arrêtée avec son mari, communiste, en février 1942, alors que tous deux travaillaient à la préparation du premier numéro des Lettres Françaises.
Lui sera fusillé en mai 1942. Quant à elle, d'abord internée en France pendant dix mois,elle fera partie du convoi du 24 janvier 1943 qui la mènera à Auschwitz-Birkenau où elle demeurera presque un an avant d'être transférée à Ravensbrück durant seize mois jusqu'à sa libération en avril 45 et son retour en France en août de la même année.
Ce parcours terrifiant, elle s'en délivrera dans l'urgence en écrivant d'un jet, à chaud, non, en crachant sur le papier, "Aucun de nous ne reviendra", son expérience du camp, ce monde d'épouvante, ce cri de détresse quasi indicible qu'elle devait arracher d'elle même, pour elle et ses compagnes. "J'ai écrit, écrit d'un jet. Portée. Et le livre est sorti de moi dans une inspiration profonde. Il me fallait l'écrire tout de suite dans la palpitation, dans le frémissement du présent."
Ce texte, elle le gardera vingt ans secret avant qu'il ne soit publié..... En outre, au sortir de la guerre, dans l'euphorie de la victoire, elle pensait, à juste titre sans doute, qu'il n'était pas temps de publier ce genre de témoignage que le public n'était pas prêt à recevoir ! d'ailleurs, même à sa parution, ce qu'elle contait paraissait inadmissible à entendre.

Voyageant tout d'abord en Grèce, elle s'était promis ce voyage si elle "s'en sortait". Elle avait également décidé qu'il était temps pour elle de se reconstruire en se créant belle et bonne vie, ce qu'elle fit.
Par ailleurs, cette femme autodidacte, deviendra avec acharnement témoin de son temps, dénonçant les mensonges communistes dans "un métro nommé Lénine" après son séjour en Urss, puis la guerre d'Algérie dont les excès lui rappelaient les abominations nazies.
Adepte du verbe cru et de la parole vraie, elle ne se gênera pas pour dire ce qu'elle avait envie de dire dans des articles, publiés ou non.
Et c'est aux Etats-Unis, où elle séjournera avant d'aller y travailler et y vivre qu'elle sera reconnue en tant qu'écrivain, témoin de la Shoah.

Cette femme, comment se fait-il qu'elle soit restée méconnue pendant si longtemps ?
Peut-être parce qu'elle n'était pas une résistante de premier plan, ni une communiste déclarée, pas plus qu'une intellectuelle avérée, et n'appartenait pas au cénacle très fermé de l'intelligentsia parisienne ?
Peut-être parce qu'elle était autodidacte et considérée d'abord par ses fonctions de secrétaire de Louis Jouvet en un premier temps puis d'assistante du philosophe Henri Lefebvre ensuite ?

Pourtant "Aucun de nous ne reviendra" recevra des critiques élogieuses à sa sortie en 1965, mais ne bénéficiera que d'une audience très restreinte.
Alors lisez Charlotte Delbo et tout d'abord sa trilogie "Auschwitz et après" et écoutez "cette voix douce et mutilée, vive, écorchée, poignante et obsédante comme un songe indélébile" selon François Bott, le chroniqueur littéraire de l'Express qui fit un éloge vibrant de "Aucun de nous ne reviendra" dans son billet de mars 1965. Il deviendra un ami fidèle de Charlotte Delbo, lui ouvrira les colonnes de son journal pour s'y exprimer et chroniquera chacun de ses livres.

Cette voix, Ghislaine Dunant nous aide à l'entendre en reproduisant dans son ouvrage de larges extraits des textes de Charlotte Delbo. Alors, n'attendez plus, écoutez-là, lisez-là !
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