Pierrot n’avalait plus. Ne parlait plus. Il s’attendait à ce qu’un jour cette histoire se sache, mais il espérait que ce soit le plus tard possible. Ils vivaient avec leur secret. Un secret si doux : je t’aime, tu m’aimes. C’était neuf, mais si beau. Alors voilà que parce que quelqu’un les avait vus sortir d’un chemin, les gens jasaient. De là à dire que Francine était une fille facile, il n’y avait qu’un pas.
Pierrot n’était pas sérieux, il faisait trop la fête avec ses copains. C’était un blagueur ; en société c’était peut-être bien, mais à la maison, pour tous les jours, il fallait du sérieux. Sans compter que ce n’était pas un bon parti.
Sa force était sa gentillesse et sa bonne humeur. Toujours le sourire. Toujours un mot avec celui qu’il rencontrait. Il voulait faire plaisir à tout le monde, ce qui le mettait dans des situations parfois difficiles. Le dimanche, par exemple, pour ne se fâcher avec personne, il faisait avec René la tournée des huit cafés du bourg avant de déjeuner. Malgré cela, l’après-midi, dans un des cafés où la patronne faisait danser les jeunes à l’aide d’un tourne-disque, il « n’esquintait pas » trop les pasos dobles ou les tangos. Les filles l’adoraient, mais lui ne les prenait jamais au sérieux ; pourtant, Michèle était amoureuse.
Quand tu es avec celui que tu aimes, tu as l’impression que rien ne peut te faire du mal. Que rien de mauvais ne peut t’arriver. Autour de toi, même le bruit ne te parvient pas. Tu ne vois plus que lui, il ne voit plus que toi. Le temps n’existe plus, c’est une paix merveilleuse.
Le mariage, c’est du sérieux. Ce n’est pas qu’une question de fesses, parce que ça, ça ne dure pas longtemps. Après, on est tout surpris de la réalité.
On ne doit pas se marier sur un coup de tête, ça se prépare, et c’est ce qu’on est en train de faire.
Tu ne respectes rien Rosie. Ni le présent, ni le passé. Tu n’as pas d’âme. Ton cœur est sec comme un pin frappé par la foudre. Tu l’as remplacé par un compte en banque. Tu te réserves un avenir de solitude.
Lorsqu’il taillait les « galips » très fins avec le« hapchot », on entendait le sifflement régulier de l’outil qui entaillait le bois. Pas de hâte. De la précision. Du doigté. Il était inutile de blesser l’arbre, c’était le compagnon, pas la victime. Mais ce métier était dur, et les salaires, en fonction du volume récolté, étaient irréguliers et beaucoup de jeunes quittaient le pays. Les nouvelles industries d’après guerre, les usines dans les villes avaient besoin de bras, et on pouvait faire carrière, tandis qu’en forêt…
Un métier ne s’apprend pas, il se transmet, et pour cela il faut bien regarder celui qui sait faire.