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Critique de PetiteBichette


Diablesse : meschante femme qui crie & tourmente toûjours son mary, ses domestiques, ses voisins, et ne peut vivre en repos avec personne. (Incipit)
Quel plaisir de retrouver Isabelle Duquesnoy dont j'avais dévoré la truculente Pâqueline !
Avec son nouvel ouvrage, l'excellente autrice de romans historiques nous fait découvrir l'un des plus grands scandales de la cour de Louis XIV, l'affaire des Poisons, une véritable affaire d'État, au coeur de laquelle se trouve Catherine Monvoisin dite La Voisin, empoisonneuse en titre !
Les chapitres alternent entre la vie de la Voisin, et les lettres de confession rédigées par sa fille Marie-Marguerite à l'officier de police La Reynie, dans le but de sauver sa peau, après que sa mère a été brulée vive sur un bucher en place de Grève.
Tout d'abord accoucheuse, avorteuse, Catherine Monvoisin, diseuse de bonne aventure, va petit à petit fabriquer des poisons de toutes sortes pour tuer les riches maris qui tardent à mourir ou trop occupés à culbuter leurs multiples maîtresses (selon dires de leurs épouses bien-aimées).
Alors Catherine rend service, en particulier, aux gens riches, et petit à petit elle va se faire un nom à la cour du Roi. Duchesses et marquises lui envoient prestement leurs petites bonnes acheter philtres d'amour, incantations, messes noires puis poisons, distillations d'enfants (bah oui quand même) …
Je suis ressortie de cette lecture étourdie par la découverte de ce pan de l'Histoire.
La description de la relation mère fille entre Catherine et Marie-Marguerite est très réussie, l'humour acide délicieux. Mais attention, nous sommes dans l'antre d'une véritable diablesse, et les horreurs commises par La Voisin se dévoilent peu à peu, le lecteur frissonne en pensant que tout cela n'a pas été que fiction...
Catherine Monvoisin se révèle terrifiante, d'une incroyable cruauté, mais Isabelle Duquesnoy nous en présente habilement plusieurs facettes ; cette femme hors du commun possède une personnalité complexe, d'une indépendance incroyable pour l'époque, avant-gardiste dans sa façon de vivre, libre de tout carcan et préjugés. C'est elle qui entretient son fainéant de mari, le trompe allégrement, se livre à une sexualité débridée tout particulièrement avec les curés qu'elle apprécie pour leur discrétion. Mais également, elle n'hésite pas à aider les femmes les plus pauvres auxquelles elle ne demande presque pas d'argent, et semble se sentir investie d'une mission salvatrice donnée par le pouvoir d'être l'ultime recours des femmes en détresse.
Les bons mots fusent, les expressions imagées issues de l'imagination débordante de l'autrice font mouche, certaines phrases sont d'anthologie, et j'en ris encore en y repensant plusieurs jours après ma lecture !
J'ai cependant regretté d'avoir trouvé cet ouvrage un ton en dessous dans la truculence que j'avais tant appréciée chez La Pâqueline, j'y ai trouvé un peu moins de verve et de vivacité, mais peut-être l'effet de surprise lié à la découverte de l'auteure s'est-il dissipé.
Je termine en tout cas cette lecture le sourire aux lèvres, et je ne résiste pas à l'envie de partager une petite recette de sa mère livrée par Marie-Marguerite, les ingrédients d'un philtre d'amour à saupoudrer dans le repas de l'élu de son coeur : à vos fourneaux !
« Ces poudres étaient pour l'amour, composées tantôt d'une manière, tantôt d'une autre, d'après ses diverses formules de sorcellerie. Il y entrait des mouches cantharides, de la poussière de taupes desséchées, du sang de chauves-souris et les plus ignobles ingrédients. On en faisait une pâte qui était placée sous le calice durant le sacrifice de la messe et béni par le prêtre au moment de l'offertoire.
Le roi avalait cette composition, mêlée aux confiseries que Madame de Montespan lui faisait becqueter le soir. À de nombreuses reprises, j'ai été chargée de collecter les mouches et de les écraser, puis de les faire sécher pour le compte de ma mère. Il ne s'agit pas véritablement d'une mouche, mais d'une sorte de scarabée vert, d'un très beau vert, lustré et vif, qui vit en colonie sur les troncs de lilas, de frêne et de sureau. » (p.288)

Si ça vous a plu, alors je vous propose un petit florilège de citations horribles et/ou fort réjouissantes, car j'ai en emmagasiné bien trop pour les poster au fil du temps, je ne vais pas y passer le mois ! Voilà de quoi vous donner le sourire et/ou vous horrifier -voire les deux en même temps (enfin j'espère) … et bien sûr vous mettre en appétit pour cette réjouissante lecture.
Attention, je vous préviens cependant certaines sont un peu hard / gratinées si vous lisez ce billet à l'heure du petit-déj !

***
Désormais Marie-Marguerite savait prendre sa part sans affolement. Dès que pointait une petite touffe de cheveux, la Voisin empoignait tout ce qui lui tombait sous la main : lampe à huile, crochet de balance romaine ou pelle à feu.
Alors, forcément, il n'était pas rare qu'elle déchiquette un peu le nouveau-né. Ou qu'elle blesse la petite tête, dans la difficulté à la sortir. Mais nul ne lui en faisait le reproche, car les femmes étaient résignées : les chirurgiens et les sages-femmes mettaient souvent leur nourrisson en pièces.
(p.31)

***
- Ton père est un mollasson, lui expliqua sa mère. Tous les hommes travaillent au labour, sur les foires ou dans les auberges. le mien ne fout rien, et il mange comme quatre. Tu l'entends me donner des ordres ? ” Femme, apporte-moi du vin ! Femme, fais-moi servir du boudin !". Je dois lui rappeler que je paie des servantes pour ne plus m'esquinter à son confort, et il ose me dire : "Quand le coq a parlé, la poule doit se taire !". Tu verras demain, comment que j'vais lui remettre les noisettes au fond du panier. (p.45)
***
Mais, maintenant, que veux-tu ... Je m'emmerde. On larmiche dans mon salon :« Ouin ! Mon galant ne me désire plus. » Bah, change ! Change d'amant, change de tête, change de ville, change de robe ou lave-toi les dessous-de-bras ! Je ne sais pas...« Ouin ! Mon mari ne me donne pas assez d'argent ! ». Beh, attends qu'il crève. Pourquoi diable, assassiner un vieux mari ? ! C'est tellement plus simple de prendre un amant, ou même plusieurs ! J'en ai bien trois moi, ... (p.142)
***
Édifiée par les bruits s'échappant de la sacristie dans laquelle ils s'étaient enfermés, Marie-Marguerite n'en était plus à se demander si l'abbé Guibourg et Catherine avaient trouvé un arrangement qui les contentait. Elle avait eu le temps de feuilleter à nouveau toutes les images pieuses du livre de messe, avant que sa mère ne lui fournisse la confirmation de leur concorde.
-J'aime badiner avec les prêtres. Les curés, ça bande comme un pont-levis : c'est long à monter, mais c'est du costaud. (p.177)
***
-Jardinier du dimanche, railla-t-elle, qui confonds carotte et panais ! Et ta courgette, là... Elle est tellement grosse qu'elle sera trop dure à manger.
-C'est pas ce que prétend ton Lesage, répondit Antoine.
-Si t'es venu pour me reprocher mes amants, tu peux t'en aller...
Il posa son panier et brandit l'énorme courgette.
Non, je suis sérieux. Adam Lesage m'a dit que les très gros légumes dégénérés sont excellents pour la mémoire...
-Ah ?
-Oui, parce que si je te l'enfonce dans la raie, t'es pas près de l'oublier.
Il guetta avec inquiétude la réaction de son épouse. Elle lâcha sa cornue remplie de liquide rosâtre et pouffa.
(p.180)
***
Puisque ni les messes, ni sainte Ursule, ni la chemise poudrée n'ont eu raison de votre époux, il est temps de passer par l'intérieur...
-L'intérieur ?
- Oui, un lavement. Mais bon... nous ne causons pas dans pissou d'eau tiède, hein !?. Un lavement à l'eau forte qui le dégraissera mieux qu'un ramoneur. Et pour cela, l'acide est miraculeux, vous verrez.
(p. 204.)
***
-Je vais te conter maintenant, poursuivit Catherine à l'adresse de Marie Marguerite, qui comprenait que sa mère tentait de se justifier, le sort des filles nées pauvres, auxquelles je n'ai jamais refusé mes services : naître fille est une malchance, mais chez les gueux, c'est une malédiction. […]
-Reprenons donc, et fais un effort d'imagination. Une fois que les sages femmes, dont j'ai fait partie, ont remodelé le petit crâne qu'elles ont déformé ou écorché, selon ses gênes pécuniaires, on décide d'offrir au ciel cet enfant chétif ou difforme. On le baigne dans l'eau-de-vie, puis on le maillotte et l'entoure d'une ficelle bien serrée, afin de lui raffermir le corps- ça, tu le sais, tu l'as appris avec moi. Vivant ou mort, le nouveau-né coûte toujours trop d'argent. Les maris qui ont eu le temps de tailler un berceau dans une pièce de bois achèvent leur travail, perçant plusieurs trous dans le fond, afin que s'écoulent les urines. On suspend le lit au plafond, façon de protéger le nourrisson des morsures de rats et des coups de becs de poules, que ses yeux larmoyants attirent.
(p.235)
***
Et je vous ai gardée la petite dernière, la plus mignonne pour la fin :
- Est-ce qu'ils dévorent des enfants ?
- Ils sont inoffensifs, assurait-elle d'un ton bienveillant. Et ils adorent les caresses. Veux-tu caresser mes saint-bernard ?
- Oh, oui ! Mais je ne m'appelle pas Bernard.
(p.173)

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