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Critique de afriqueah


Avec verve, ironie, légèreté, Benoit Dutreurtre nous invite dans le monde d'après : comment vivrons –nous dans 20 ans ?
Abel Quentin et Patrice Jean qui avaient souligné les travers de notre société ont été, je suppose, réeduqués. Leurs supposés « travers » sont, depuis, devenus la norme.
« Dénoncez vous les uns les autres » commence par les prénoms :
Les parents de Mao, en lui donnant ce prénom, avaient voulu célébrer la Révolution culturelle et honorer « le prophète qui éclairait l'humanité ». Vingt ans après, Mao est honteux de porter le prénom d'un des pires tyrans du XX· siècle, siècle pourtant assez prolifique en la matière. Il donne à son fils le prénom de Barack, sauf que cela, pour le fils, peut être compris comme une sorte d' « appropriation culturelle », des blancs moyens prenant l'identité du premier Président noir des USA. C'est mauvais, ça.

Robert, la fiancée de Barack, sauve pour l'instant la mise : elle doit son prénom à sa mère, soucieuse de lutter contre les clichés. le genre c'est vieux jeu, non ?

Il va de soi, la pêche et la chasse sont depuis longtemps aussi moyenâgeux que le luth, les anciennes poissonneries sont maintenant des clubs de rencontres pour gays poilus. Les fontaines stoppées, pour économiser l'eau. La raison des victimes, supposées ou réelles, pas le moindre doute, elles sont victimes, même si elles n'existent pas ; le racisme systémique, indubitable, l'homophobie et le sexisme , des péchés capitaux. Végétarisme obligatoire, ou presque. Domination masculine ancestrale, à la poubelle (en portant bien entendu une extrême attention au tri)
Les bibliothèques, tellement rétrogrades et véhiculant des thèmes éculés, sont transformées en plateforme écoresponsable.
Faire l'amour à l'amour de sa vie avant ses 18 ans, ce pourrait être taxé d' emprise sur une mineure désemparée, or il faut interroger le sexisme, renverser les stéréotypes, libérer la parole, ne pas faire le jeu des vieux préjugés niant la « toxicité fondamentale du genre masculin ».

Et la dénonciation devient une obligation morale, pour le bien de l'humanité.
Une anticipation, avec mots d'ordre indiscutables rectifiant de plus les errements du passé.
Car, plus avancée que la bonne conscience suisse, ou les mots d'ordre chinois, c'est rétroactivement que la stigmatisation s'instaure, à l'aune de l'idéologie présente.

Des Brigades rétroactives se chargent de revisiter l'horrible passé, d'organiser des tribunaux publics, afin de demander pénitence et rédemption, appelée « réintégration. » Par exemple, avoir préféré la culture à la défense écologique, comme l'a fait il y a 20 ans cet indécrottable, inconscientisé Mao, pervers polymorphe ( il est tout de même accusé d'avoir « brisé la vie » d'une inconnue , serait-ce une secrétaire à qui il a demandé un café, acte qui frise le harcèlement ?) écocide, et j'en passe, puisque, pire encore, il n'y a pas de preuves, bref Mao nécessite des séances et des mois de réeducation.

Malgré toute cette fiction, le livre est très drôle, un futur de notre monde puritain et sûr de son idéologie avec , entre autres, une revisitation de Molière, ce grand machiste.
Une farce d'un futur possible, découvert grâce à ODP31, à lire pour sa saveur, son ironie, les dernières lignes.
Et j'ai ri, beaucoup ri.
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