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Critique de Marie-Nel


Augustin Trébuchon n'aurait jamais dû faire la guerre. Il est berger en Lozère, il a trente-six ans au début de la guerre, et surtout il est le responsable de sa famille. Il est célibataire mais responsable de ses frères et soeurs et chef de famille depuis que ses parents sont morts. Il était donc exempté et pouvait ne pas partir à la guerre. Mais il l'a fait, pour prouver qu'il n'était pas un trouillard, lui, toujours moqué à l'école, par les élèves, par l'instituteur, il veut aussi voir du pays, quitter ses prairies, ses moutons. Quand on sait l'horreur de cette guerre, on se dit que le pauvre, il ne sait pas dans quoi il s'engage. C'est facile à dire une fois les événements passés, mais à ce moment là, il ne faut pas oublier que la guerre était présentée comme un conflit bref, de quelques semaines, et que les hommes seraient vite rentrés. Personne ne doutait de ce fait. Beaucoup sont donc partis contents, avec la fleur au fusil, comme on dit. Et ce fut donc le cas pour Augustin. En plus, il allait voir des gens, lui qui a l'habitude d'être seul. Étant de stature petite, 1,61m, il est engagé dans l'infanterie, dans l'armée à pieds.
On va donc le suivre ici dans la dernière journée de sa vie, les 10 et 11 novembre. Il va nous raconter son quotidien dans les tranchées, ce qu'il vit, avec toute l'horreur que l'on peut s'imaginer. On va aussi en apprendre plus sur lui-même, sur sa vie avant son départ à la guerre, son enfance en Lozère, ce qu'il a vécu. Il parle de son quotidien, des désillusions de cette guerre qui n'en finit pas. Il compte les jours, 1560 exactement depuis qu'il est parti de chez lui, il n'a eu qu'une seule permission en quatre ans. Augustin ne cherche jamais les histoires, il obéit à tous les ordres. Et il va falloir qu'il en obéisse à un dernier. Les rumeurs de la signature de l'Armistice courent en ce 11 novembre au matin, il aurait été signé très tôt, mais ne doit être proclamé qu'à 11 heures. En attendant, les obus et les balles pleuvent encore du côté Allemand, et Augustin voit encore certains de ses amis périr. Personne, à ce moment là, ne croit trop à la fin de la guerre. Augustin va devoir mener un dernier message… et quand on apprend la teneur du message, je peux vous dire que ce pauvre Augustin est vraiment mort pour rien…
 
Je ne veux pas vous en dire de trop, j'ai envie que vous découvriez Augustin par vous-même, et il y a encore beaucoup à savoir sur lui. Et sa vie est tellement bien racontée par Alexandre Duyck. Il a fait des recherches dans les archives militaires et civiles pour récolter tout ce qu'il pouvait sur ce soldat. Il s'est sans doute appuyé sur des archives plus générales de la guerre pour décrire les conditions de vie des soldats. Un truc qui m'a atterrée, c'est la réaction de l'Armée face à ces décès du dernier matin de guerre. Sur la stèle de ces soldats morts, dont Augustin, il est noté la date du 10 novembre, alors qu'ils sont morts le 11. Comme si l'armée avait honte. Même si du côté français, ça ne tirait plus, ce n'était pas le cas côté Allemand. L'information d'un arrêt de guerre ne devait pas leur être parvenue, il y a un siècle, les liaisons se faisaient beaucoup plus difficilement. Ce changement de date de décès m'a choquée…
 
Je me suis vraiment fort attachée à Augustin. Il est difficile d'en être autrement, je pense. Quand on commence à lire son histoire, on sait déjà la finalité et vers où on va. Donc j'ai suivi ce soldat, ses actes, ses pensées, ses envies, ses joies, ses peines. Il se posait plein de questions sur ce qu'il allait faire après la guerre, il pensait voyager, il rêvait d'une autre vie, et ça m'a fait mal au coeur de savoir qu'il ne pourra jamais rien concrétiser. Et des Augustin, il y en a tellement, c'est déchirant.
Ce sentiment d'attachement au personnage est aussi renforcé par le choix narratif de l'auteur, qui a choisi d'écrire son récit à la première personne du singulier. Ce « je » m'a permis encore plus de rentrer dans la tête d'Augustin, de connaitre la moindre de ses pensées et d'être au plus près de lui. Sauf à la fin, le dernier chapitre, le moment de la mort du personnage, c'est une narration à la troisième personne, ce qui est beaucoup plus logique. On ne peut pas savoir ce qu'il s'est passé dans la tête du soldat à ce moment là… Cette fin m'a fait penser au poème de Arthur Rimbaud, le dormeur du val, qui se prête à toutes les guerres, malheureusement. J'aime d'ailleurs écouter Serge Reggiani lire ce poème, il me met à chaque fois des frissons…
 
J'ai vraiment beaucoup aimé ce livre. J'ai coïncidé sa lecture avec la période du 11 novembre justement, pour rendre un hommage à tous ses soldats morts pendant cette guerre. J'ai déjà lu d'autres livres, plus ou moins romancés, sur la guerre et sur ses héros qui sont trop dans l'ombre. Et pourtant, je continue et continuerai à en lire, c'est pour moi très important, car les années passent, cela fait maintenant plus d'un siècle, il faut absolument que le devoir de mémoire persiste, que ces soldats ne soient pas morts pour rien. Il ne reste plus personne pour nous raconter ces années là, c'est donc très important que les historiens et autres écrivains continuent de nous raconter à nous, à nos enfants, les événements qui font L Histoire. Et c'est donc pour cela et pour la beauté de ce livre, que je vous recommande vivement sa lecture. Pour ne pas oublier Augustin et tous ses camarades, qui n'ont pas entendu le clairon retentir ce 11 novembre 1918 à 11 heures.
 
J'ai beaucoup aimé le style de Alexandre Duyck. Il y a très peu  voir pas, de dialogues, car ce sont surtout des pensées, et pourtant ça se lit très bien. Pas de lourdeurs, pas de moments longs, le rythme est donné par les chapitres qui représentent les différents moments avec l'Armistice. J'ai lu ce livre presque d'une traite, tellement j'ai été emportée par les mots de l'auteur, tellement j'avais envie de rester le plus longtemps possible avec Augustin. Je garderai vraiment un très bon souvenir de ce roman. Je découvre Alexandre Duyck et je suis très satisfaite, je vais continuer à le suivre. J'ai vu dans sa biographie qu'il avait écrit un roman sur le burn-out, L'effondrement, sujet qui m'intéresse particulièrement car j'ai connu la situation décrite dans le résumé. Il est paru également aux éditions JC Lattès, je le note sur ma wishlist pour un achat futur. S'il met autant de sensibilité dans cette histoire qu'il en a mis dans l'histoire d'Augustin, ce doit être à nouveau un roman fort. Il est journaliste et grand reporter et ce côté se ressent beaucoup, j'ai eu la sensation de regarder un magazine à la télé pendant ma lecture de ce roman. D'ailleurs, la vie d'Augustin ferait un très bon reportage visuel.
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