Cette nuit me plaisait. Les choses grandissent la nuit, mon imagination ouvre ses portes, les idées préconçues s’évanouissent. On cherche parfois le paradis aux mauvais endroits. Alors qu’on l’a à ses pieds. Ou dans son lit.
Une chanson ressemble à un rêve qu’on essaie de réaliser. Ce sont des pays inconnus où il faut s’introduire. On peut en écrire n’importe où, dans le compartiment d’un train, sur un bateau, à cheval – le mouvement aide toujours. Des gens qui ont un merveilleux talent d’auteur-compositeur n’en écrivent jamais parce qu’ils restent immobiles.
"Les ténors de la presse continuaient de faire de moi l'interprète, le porte-parole, voire la conscience d'une génération. Elle est bien bonne. Je n'avais fait que chanter des chansons nettes et sans détour, exprimant avec force des réalités nouvelles. Cette génération, je partageais fort peu de choses avec elle et je la connaissais encore moins."
J'ai vu et entendu des trains depuis ma petite enfance, c'est pourquoi leur bruit, leur présence me rassuraient toujours. Les gros fourgons, les tombereaux, les trains de marchandises, de passagers, les Pullman. Là où j'ai grandi, il était impossible d'aller quelque part sans, à un moment ou un autre de la journée, s'arrêter devant un passage à niveau et voir passer de longs train. Les voies du chemin de fer croisaient les routes de campagne - ou les longeaient. Le bruit d'un train dans le lointain, c'était le sentiment d'être chez soi, là où rien ne manque, où on a pied, où il n'y a pas de danger réel, où tout s'assemble - comme les wagons.
"Je venais de très loin et j'avais commencé tout en bas. Mais le destin allait bientôt dire son mot. T'avais l'impression que c'est moi qu'il voulait, personne d'autre."
Le monde moderne, avec sa complexité folle, m’intéressait peu. Il manquait de pertinence et de poids
Rappelle-toi, Robert, dans la vie, n'importe quoi peut arriver. Si tu n'as pas tout ce que tu veux, réjouis-toi de ne pas avoir ce que tu ne veux pas.
Je mourais d'envie d'enregistrer un disque, mais pas un "quarante-cinq", justement. Les folk-singers, les jazzmen et les musiciens classiques faisaient des trente-trois tours, des disques longue durée, avec des tonnes de morceaux dans le sillon - ça avait du poids, de la gueule, on y bâtissait une identité. Ils obéissaient à la force de gravitation. Il y avait un recto et un verso sur la pochette qu'on pouvait regarder des heures. Alors qu'un quarante-cinq était fragile et ne cristallisait rien. On les empilait les uns sur les autres, et puis voilà.
Une chanson ressemble à un rêve qu'on essaie de réaliser. Ce sont des pays inconnus où il faut s'introduire.
... Si je ne mettais pas un disque ou la radio, c'était le silence, le calme des cimetières, et je retournais toujours voir les livres... Je creusais là-dedans comme un archéologue.