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Critique de Allantvers


Sur la route des Nobel, arrêt sur la mystérieuse case Dylan.
J'avais un double mystère à percer, en me plongeant dans cette imposante compilation d'entretiens, faute d'avoir pu mettre la main sur les textes bruts de ses chansons : enfant dans les années 70, je n'ai saisi que la queue de la comète des fulgurantes années 60, et Dylan ne faisait pas partie de mes étoiles. Entouré à mes yeux d'un halo brumeux, Dylan était pour moi le premier mystère à lever avec un postulat mal posé : comment un artiste peut durer si longtemps sur la base de quelques vieilles protest song? Ainsi, deuxième mystère, je fais partie de ceux qui ont été interloqués par l'attribution de ce Nobel de littérature. A quel titre? l'écrivain? le poète? l'homme engagé? le témoin de son temps? le visionnaire?

Dire que l'image de Dylan s'est clarifiée après la lecture de ce livre serait mentir. Il faut dire que l'exercice de l'interview s'y prête mal, tant le bonhomme élude et esquive dès qu'on l'approche d'un peu trop près. Présentées en ordre chronologique, ces interviews font découvrir d'abord un jeune homme qui tourne un peu en boucle sur ses origines et ses inspirations premières, entre folk et poésie psychédélique. La faute aux journalistes qui posent toujours les mêmes questions?
Puis arrive un moment champignonesque dans les années 80 avec l'évocation du film abscons de quatre heures disons... bien dans l'air du temps qu'il a réalisé, puis un autre moment, assez gênant, sur sa période born again où là, il m'a complètement perdue.
Les interviews de la dernière décennie se recentrent heureusement sur la création musicale, la scène indispensable, le processus d'écriture d'un artiste que je découvre incroyablement prolixe, avec des hauts et des bas.

Bien évidemment, ma lecture a été ponctuée de nombreux temps d'arrêt à parcourir des albums pour en humer la tonalité, à écouter et essayer de décrypter un grand nombre de morceaux évoqués dans les interviews. Essayer car le sens est loin d'être évident, Dylan affirmant lui-même jeter ça et là quelques fulgurances, images et couleurs dans un vers sans nécessairement travailler à l'insérer dans un ensemble signifiant ; affirmant également que ses chansons sont un tout qui ne se limite pas au seul texte, comme de mini univers traversant plusieurs champs de perception. Pas étonnant donc que les adolescents de 62 – 66, suffocant dans une époque sans air ni pour la jeunesse, ni pour l'individu, et étant à l'âge où l'on capte d'autres ondes au-delà des mots et en particulier l'air du temps, aient ressenti avec autant d'incandescence l'électricité vivifiante de ses premiers albums.
Plus tard la plume et la musique murissent, la verve poétique est toujours là, plus ou moins inspirée, toujours délicate à saisir. C'est le trait d'union que je ressors à la fois de l'oeuvre et des paroles du barde au lunettes noires, mais au final je suis toujours aussi perplexe : qui est Dylan ? que voit-il, quelle est sa cohérence ? Pourquoi lui et pas Leonard Cohen, Neil Young, David Bowie ? Il s'est passé quelque chose dans la tête du jury du Nobel mais je ne sais pas ce que c'est. Do you, Mr Jones ?
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