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Citations sur Cantique de l'acacia (7)

Il n'y a pas de mots, dit Grace, ni sur la terre ni dans le sous-sol des rêves pour dire l'état de celle qui a tiré de son ventre, par deux fois, une créature aux formes accomplies, mais pas d'intérieur vivant, bébé à peine plus crédible que ces poupées de latex qu'on aurait dit de chair, mais qui, elles au moins, savent cligner des yeux ou pleurer, ou rire quand on leur appuie sur le ventre.
Selon les croyances en vigueur, c'était le même enfant qui repartait et revenait, s'incarnait et se réincarnait jusqu'à ce que, enfin, sa respiration s'accorde avec le rythme du monde, son souffle avec l'atmosphère de la terre, sa lumière intérieure avec les pulsations du soleil.
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Car tout événement vient au monde par deux chemins : le chemin de l'aller qui est celui des faits, et le chemin du retour, où les faits se transforment en mots, chansons, paraboles, contes, devinettes, proverbes, prophéties, mythes. Privés de ce chemin de retour, les faits errent dans un monde suspendu entre les choses manifestées et les choses possibles. Pas tout à fait advenus et pas tout à fait possibles.
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La nouvelle ère, l'ère moderne, sera celle de l'homme impatient. Et toute inaptitude à l'impatience sera la marque d'une tare. Dans le vieux monde les choses arrivaient à temps, dans le monde nouveau les choses arriveront à l'heure. Seront des hommes réels tous ceux qui seront ponctuels dans le même temps présent. Tous les autres seront des hommes imaginaires, peuplade, ethnie, protonation, enclave dans l'humanité.
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La vérité, dit Grace, il faut se mettre à trois pour faire un enfant : le mâle, la femelle et l'Invisible - dont les traces sont partout cachées dans le paysage, dans les eaux où les femmes vont tremper leur sexe, dans les troncs d'arbre contre lesquels elles vont se frotter nues, ou bien là-bas -, cet îlot dont on apercevait la crête par la fenêtre du deuxième étage : l'Île aux Acacias où les femmes, il n'y avait pas si longtemps, allaient enfouir le placenta des nouveau-nés avant d'y planter un acacia. A la saison des floraisons, elles s'y retrouvaient pour s'adonner à l'art de rêver les enfants. Assises sur le limon, pubis contre l'herbe, elles rêvaient ensemble le rêve éveillé des enfants qui n'étaient pas encore au monde.
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Nous n'appartenons pas à un pays, disais Grâce, nous n'appartenons à aucun pays fait de main d'homme. Nous appartenons à la lune qui fait les marées et les menstrues. L'héritage de l'océan dure plus longtemps que l’héritage d'un pays. Nous n'appartenons pas à l'Histoire, nous appartenons aux cycles de l'invisible placenta. Et si l'on portait autrefois le placenta en terre et qu'on y plantait un acacia, c'était pour donner à l'enfant le goût du chant.

Un jour , l'esprit de choses et des hommes se manifesta dans une femme. Aussitôt la femme se mit à parler dans une langue pleine de fleurs et d'images, une langue sauvage au oreilles des siens. elle nommait des millions de millions de choses qui n'existaient pas encore.

Les gens prirent la femme pour une folle, la saisirent, la jetèrent à l'eau. Un poisson l'avala, avala sa voix. Une histoire qui aurait pu s’arrêter là.

Mais voilà qu'un jour, un pêcheur pêcha le poisson qui avait avalé la femme, le mangea, et alors il ne parla plus que dans la langue sauvage.







Puis ils lui lancèrent des cailloux et l'homme mourut. Et sa voix mourut. L'homme et sa voix furent enterrés bien profondément dans le désert où passe le vent.

Une histoire qui aurait pu s'arrêter là.
Mais le vent...

Le vent, à force de passer et repasser son chemin,petit à petit, grain de sable après grain de sable creusait la terre, grattait la terre comme le chat gratte le tissu. Un jour, une fine poussière, emportée par le vent, voyagea jusqu'au couscous d'un chasseur. Aussitôt que le chasseur eu mangé son couscous, il se mit à parler une langue pleine de mystère. On l'attrapa. On le réduisit en cendre. On réduisit sa voix au silence. On dispersa la cendre et le silence dans l'espace depuis le haut d'une montagne.

Une histoire qui aurait pu s'arrêter là.
Mais sur la montagne vivait un homme. Son métier consistait à pincer la corde d'un instrument pour faire entendre des harmonies célestes. Il avala, par la bouche et par les narines, le parfum de l'homme qui se dissipait dans l'atmosphère.
Aussitôt qu'il avala ce parfum, il se mit à chanter la langue sauvage. Le peuple accourut, furieux, armé, décidé. L'homme chantait:



Et voici ce qui arriva: tous les gestes de mise à mort furent suspendus. Le chant continuait. Tous les cris: à mort, à mort, furent suspendu. C'est ainsi que pour la première fois vint au monde le chant. Et la vie s'y accrochait, et la mort s'y suspendait.
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La machine à souvenir, c'est ainsi qu'il présentait l'appareil photographique à ceux qui le voyaient pour la première fois, émerveillés et moqueurs, qui trouvaient que dormir avec une image de soi-même accrochée au mur était chose souverainement absurde. Comme si on avait peur de ne pas se reconnaître au réveil.
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Joyce, quand elle était enfant, Io-Anna lui racontait l'histoire du grain de beauté, l'histoire de deux êtres qui se sont beaucoup aimés dans une vie antérieure et qui, devenus inséparables jusque dans la mort, se réincarnent en un seul et même corps, l'un choisissant d'être grain de beauté pour s'attacher au corps de l'autre dans une nouvelle vie. Quand elle rencontra Kitha, Joyce dit à sa mère et à ses amis que si elle mourrait à l'instant même elle n'en aurait pas assez de mille vies pour revenir avec lui, dans le même corps, non pas sous l'apparence d'un grain de beauté mais sous la forme du sourire attaché à son visage.
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