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Critique de Lucilou


Qu'on le veuille ou non, les soeurs Brontë sont fascinantes… Tout en elles et dans leurs destins appelle à la fascination, chaque facette paraît propice à la légende en même temps qu'au mystère.
Moi, les soeurs de Haworth m'interpellent depuis que j'ai découvert, encore adolescente, la noirceur et la beauté de Heathcliff et des "Hauts de Hurlevent" et la sensibilité de "Jane Eyre"; depuis que j'ai découvert leurs notices biographiques. Comment ne pas se passionner et se questionner sur ces trois jeunes filles fauchées avant leur trente ans pour deux d'entre elles, ayant grandi dans la solitude et l'âpreté des landes du Yorkshire et écrits des romans d'une telle puissance, d'une telle force, alors qu'elles ne devaient pas savoir grand chose de la vie et des passions humaines, alors qu'elles n'avaient pas vécu?
Longtemps, nourrie uniquement de la biographie d'Elizabeth Gaskell, du "Monde infernal de Branwell Brontë" et du film d'André Téchiné (ce casting...!), je me suis complu dans une vision fort romantique, voire gothique de la vie de Charlotte, Emily et Anne, sans doute parce que c'est la piste qui paraît la plus romanesque, qui épouse le plus joliment le fantasme des artistes maudites et tourmentées. Sans doute aussi parce que c'est le roman d'Emily que je préfère et qu'il est le plus torturé de tous et à mon sens le plus complexe...

Ainsi, j'avais en tête un père distant voire inquiétant, un frère vaguement tortionnaire, une famille peut-être légèrement malsaine, toxique avec une en son sein une douce petite Anne, une Emily farouche comme la lande en hiver et une Charlotte accommodante.
Avec la magnifique biographie que consacre Laura El Makki à ces génies de la littérature, j'ai découvert autre chose. La réalité est peut-être moins gothique, moins obscure, elle n'en est pas moins passionnante. le cortège de noirceurs est toujours là, mais il est plus complexe, moins caricatural, sa tragédie s'en trouve renforcée, et pour une fois ce qui semble être le réel est plus captivant que le fantasme ou la fiction (c'est assez rare pour être souligné!).

Ainsi, le révérend Brontë est loin d'être l'homme froid et antipathique décrit par Gaskell mais se révèle un père certes exigeant, mais aimant. Anne était sans doute la plus moderne de sa fratrie et la douce Charlotte avait ses côtés sombres...
Grâce à une solide documentation et à des recherches poussées, Laura El Makki retrace pour nous la trajectoire du révérend et de son épouse pour nous donner à voir et à comprendre la vie de ses filles, de leurs premières inspirations aux premiers deuils, de leurs rêves à leurs projets, de leur affection à la douleur de grandir et c'est aussi brillant qu'écrit avec beaucoup de talent et de finesse. La langue et le style sont beaux dans ce texte qui prend le parti de parler d'Anne autant que de ses deux aînées, partant du principe -extrêmement pertinent- qu'on ne peut évoquer une Brontë sans faire mention de ses soeurs, tant elles étaient liées, ce qui n'exclut pas des tensions toutefois, des non-dits et un rien d'amertume et de sortir les filles de Haworth de leur étiquette gothique pour les rendre le plus authentique, le plus vrai possible.
Elles en ressortent plus humaines mais pas moins passionnantes.
On en ressort avec quelques clefs en plus autour de son trousseau, mais toujours aussi fasciné.
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