Comme il est étrange pour moi de terminer l'année avec cette lecture dont le titre radical est tout le contraire de ce que je ressens. Tanger, ma ville natale, qu'il me tarde de retrouver, à laquelle je pense quand le blues m'emporte, quand le bleu du ciel me manque...
Le premier roman de
Salma El Moumni est écrit à la 2ème personne du singulier, ce qui pourrait mettre une distance certaine avec le lecteur, la lectrice. J'en ai compris toutefois l'approche car dans ce livre tout est distancié, disloqué, desincarné.
Ici, l'histoire de Alia, jeune adolescente tangéroise qui a force d'entendre les hommes dans la rue la siffler, lui faire des commentaires, promener leurs yeux sur son corps, essaie de comprendre pourquoi. Tout d'abord elle se regarde dans le miroir, très vite ce n'est plus assez et elle prends la pause dans différentes mises en scène, dans sa chambre, seule, à moitié dévêtue. Ces photos sont pour elle seule, pour analyse, pas pour être partagées. Au Maroc, l'article 483 condamne tout acte contre les bonnes moeurs (c'est dire si on peut tout mettre dedans) à 2 ans d'emprisonnement. Après une rupture avec Quentin, il lui vole ses photos et les partage sur les réseaux, Alia n'a plus d'autre choix que de fuir le Maroc. Elle se retrouve à Lyon seule, se croyant libre jusqu'au jour où...
C'est un roman intéressant (ou autofiction ?) par les thèmes abordés, l'écriture nerveuse, la deconstruction de son identité, le rapport au corps, à la sensualité, au passage de l'adolescence vers l'âge adulte.
L'histoire d'Alia est celle, malheureusement, de toutes ces femmes, d'ici ou d'ailleurs, qui se sont retrouvées un jour où l'autre sous le regard concupiscent des hommes harceleurs, des agresseurs en tout genre et j'en passe !
Clin d'oeil à la belle histoire entre Alia et Ilyes.
J'espère que Alia (ou Salma ?) retournera à Tanger, apaisée, libre, plus forte... peut être qu'un jour je la rencontrerait sur le boulevard Pasteur, ses boucles au vent et le front fier.