AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Presence


Il s'agit d'une histoire complète en 1 tome, indépendante de toute autre. Il contient les 5 épisodes de la minisérie, initialement parus en 2009. le scénario est de Warren Ellis, les dessins et l'encrage de Facundio Percio.

Quelque part dans une grande métropole (New Ataraxia), Anna Mercury (tenue de cuir moulante et crinière rousse flottant au vent) se livre à de l'espionnage industriel et militaire dans un immeuble. Elle est en liaison (micro et oreillette) avec une personne au nom de code de Launchpad. Elle vient de découvrir les détails d'un projet pour construire un canon magnétique sur la Lune par les habitants de New Ataraxia, afin de rayer la ville de Sheol de la carte. Elle sort de ce bureau en sautant par la fenêtre d'un monde qui ressemble à uchronie à partir du notre, où la technologie se serait développée sur l'axe du magnétisme, plutôt que du moteur à combustion. Elle commence par faire irruption dans un appartement abritant une cellule d'espions de Sheol. Puis elle réquisitionne l'un d'eux pour l'aider à pénétrer dans une base militaire et s'introduire dans une fusée en partance pour la Lune.

Le lecteur pourra se montrer hésitant devant cette histoire en 1 tome (annoncé comme le premier de la série, mais il n'y a pas eu de deuxième), mettant en scène les aventures d'une femme à la tenue sexy, à la chevelure exagérée, avec un pistolet, et effectuant des cabrioles impossibles dans une ville d'anticipation superficielle. Il faut un peu de temps pour que la touche "Warren Ellis" se manifeste. Les premières séquences correspondent à des scènes d'action menées tambour battant, sympathiques sans être renversantes, avec une tonalité de série B, voire Z.

Warren Ellis est un scénariste exigeant vis-à-vis des dessinateurs chargés de mettre en image ses scénarios. Il alterne des scènes d'explications, avec des dialogues qui peuvent durer sur plusieurs pages, obligeant le dessinateur à faire preuve d'inventivité dans sa mise en scène, avec des scènes d'action rapides et enlevées, exigeant à nouveau un grand talent de metteur en scène et de chef décorateur, le dessinateur se retrouvant à effectuer tout seul la narration. À ce titre, les premières pages mettent en évidence les qualités et les limites de Facundo Percio. Sa mise en scène est claire et lisible, avec un oeil sûr pour communiquer l'impression de mouvement, le caractère intrépide des acrobaties d'Anna Mercury s'élançant dans le vide, la force de ses coups. D'un autre côté, il peine à rendre crédibles ses perspectives urbaines. Les façades des immeubles manquent de texture, restant coincées entre une approche descriptive simpliste et un une épure pas assez conceptuelle.

De la même manière, Percio dessine des personnages à l'apparence à mi chemin entre l'amateurisme (des visages peu crédibles, des expressions manquant de nuances, sauf pour Anna Mercury qui semble par contre avoir moins de 20 ans), et une approche plus construite (leurs tenus vestimentaires, leurs postures adultes). Concernant Anna Mercury, Percio oscille entre une acrobate aguerrie, et un objet sexuel mettant ses formes en valeur. La tenue en cuir (rehaussée de gants rouges et cloutés) évoque celle d'Emma Peel en moins sophistiquée, et moins élégante. Sa chevelure flamboyante trouve une explication dans le cours du récit quant à son exubérance, mais par contre il n'y a pas de justification à ce choix. En tant qu'agent spécial de terrain, il est logique qu'Anna Mercury porte une tenue faite sur mesure, mais rien ne permet de comprendre pourquoi elle a choisi des bottes à semelle compensée.

D'un point de vue visuel, le récit oscille entre des scènes savamment construites pour immerger le lecteur dans l'action, et des éléments factices qui ne semblent pas assez professionnels, ou trop forcés (Anna Mercury a-t-elle vraiment besoin de prendre des poses mettant ses courbes en valeur ?). D'un point de vue du scénario, Ellis commence par une intrigue basique d'une mission menée à un train d'enfer pour saboter une arme de destruction massive. Il faut attendre le deuxième épisode pour découvrir la relation qu'entretient ce monde avec notre Terre, et saisir les implications morales qui en découlent. Une fois cette composante du scénario exposée, le lecteur saisit l'ampleur des enjeux de la situation, et les actes d'Anna Mercury prennent toute leur importance. L'histoire sort de la catégorie "action bourrine et efficace", pour passer dans la catégorie "thriller plein d'action et de suspense". Toutefois, Ellis n'a pas le temps de donner de la substance à son personnage principal qui reste de ce fait générique, malgré son apparence sortant de l'ordinaire (plus les pages se tournent, plus le lecteur pourra avoir l'impression que Percio s'est inspiré de Mylène Farmer pour les traits d'Anna Mercury). La situation politique sur notre Terre reste exclusivement cantonnée à la mission de Mercury, et l'anticipation reste limitée à 2 concepts (celui relatif à New Ataraxia et celui relatif aux modalités de déplacement de Mercury). Ellis donne l'impression qu'il avait d'autres idées pour cette série (à commencer par New Ataraxia dont le nom fait référence au concept d'ataraxie, et par Sheol, un terme hébraïque intraduisible, désignant le séjour des morts, ou la tombe commune de l'humanité, ou encore le puits), mais il ne les développe jamais.

Le tome se termine avec la reproduction de toutes les couvertures variantes : 7 dessinées par Juan Jose Ryp magnifiques de détails maniaques, 5 peintes par Felipe Massafera dans un style pulp entièrement maîtrisé avec une grande puissance de séduction dangereuse pour Anna Mercury, 5 dessinées par Facundo Percio avec des moues mutines pour Anna Mercury évoquant Amanda Conner.

"Anna Mercury" ne constitue pas un trésor caché dans la bibliographie de Warren Ellis, mais une histoire divertissante, grâce à 2 concepts de science-fiction dont il a le secret, avec une mise en images intelligente dans la conception des pages et des prises de vue, mais aux dessins laissant un goût de manque de finition et de finesse.
Commenter  J’apprécie          112



Ont apprécié cette critique (5)voir plus




{* *}