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Critique de Archie


Allais-je lire jusqu'au bout Les Eclats, le nouveau roman de l'écrivain américain controversé Bret Easton Ellis, ou le lâcherais-je en cours de route, comme American psycho il y a quelques années ? Présenté comme l'oeuvre de la maturité de l'écrivain, Les Eclats est un roman d'autofiction. L'auteur se met lui-même en scène, en l'année 1981, soit avec un recul de quarante ans. Agé de dix-sept ans, Bret est le personnage central et le narrateur d'une intrigue complexe, où il est difficile de faire la part de ce qui a été réel et de ce qui est fictif.

Bret et un petit groupe de camarades sont en classe de terminale dans une école privée huppée, située dans les (très) beaux quartiers de Los Angeles. Ces adolescents sont issus de familles… — je n'aime pas le qualificatif d'ultra-riche — disons de familles qui dépensent à profusion sans nécessité de compter et qui laissent leurs ados dépenser n'importe quoi, sans (apprendre à) compter : propriétés sublimes, voitures de luxe et/ou de sport à disposition, budgets illimités pour sorties, fringues et accessoires.

Dans ce microcosme hyperpermissif et corrompu dès l'enfance par l'argent, les drogues, l'alcool et le sexe, Bret et ses amis, garçons ou filles, ne connaissent pas de limites. Ils sont très beaux, habillés à la dernière mode et sous l'emprise permanente de divers tranquillisants, euphorisants et autres dopants qu'ils n'ont aucune difficulté à se procurer. Ils évoluent l'esprit vide, dans un état de torpeur mentale dans lequel ils se sentent à l'abri de tout risque présent et futur.

1981, c'était avant le sida, les contrôles d'alcoolémie, les ceintures de sécurité. Autre temps, autres moeurs. Il était surtout mal venu d'être reconnu comme homosexuel. Et justement Bret, qui travaille déjà à son premier roman, est lucide sur son homosexualité. Auprès de ses proches, il s'astreint à jouer le rôle d'un jeune homme conforme aux attentes, à afficher une relation hétérosexuelle stable, tout en ayant sous le manteau, si l'on peut dire, des aventures sexuelles avec des hommes.

L'arrivée dans l'école d'un nouvel élève, encore plus beau que les autres et aux antécédents mystérieux, va déstabiliser Bret, écartelé entre désir et aversion. Doué d'un profil mental d'écrivain créatif, il a tendance à échafauder des fictions narratives à partir du moindre incident. A tort ou à raison, Bret va imaginer un lien entre ce nouvel élève et un tueur en série qui sévit alors sur Los Angeles.

Car Les Eclats est un thriller, mais il ne le devient que vers la fin, disons à partir de la page quatre cent. Qui est le serial killer ? Sera-t-il mis hors d'état de nuire ? Fera-t-il de nouvelles victimes ? Ce ne sont pas les bonnes questions. L'écrivain concepteur de ce type de fiction joue à faire tourner le soupçon sur plusieurs personnages et il clôt l'intrigue comme bon lui semble. Il peut désigner un coupable… ou laisser son lecteur dans la perplexité. Bret Easton Ellis est un écrivain de grande classe. Il montre quelques éclats de l'explosion finale et laisse lectrices et lecteurs rassembler le reste à leur idée.

Et les quatre cents premières pages, me direz-vous ? Elles sont en effet problématiques, très longues, très insignifiantes, très ennuyeuses. En dépit de phrases parfois interminables, l'écriture est fluide, facile, mais bavarde. L'étalage de marques branchées, l'énumération de tubes musicaux, l'évocation de stars hollywoodiennes finissent par agacer, et je passe sur les trajets en voiture à travers LA, qui ressemblent à des rapports de GPS. Certains apprécieront l'atrocité des mutilations imputées au tueur et la verdeur des scènes de cul. L'écrivain Bret assume aujourd'hui son homosexualité et les descriptions des rapports sexuels du jeune Bret sont carrément trash, au point d'être gênantes à lire quand on est hétéro. Pour ma part, j'ai été à deux doigts de refermer le livre, comme American psycho.

Qu'importent mes réactions ! Ce livre, tantôt plaisant, tantôt déplaisant, a été écrit en toute conscience par Bret Easton Ellis. Plusieurs récits se superposent et s'entremêlent, sans qu'il soit aisé de distinguer ce qui appartient à la fiction conçue par l'écrivain quinquagénaire, au souvenir de ce qu'il avait vécu à dix-sept ans, aux péripéties rapportées par le jeune Bret, ou à l'imagination paranoïaque de ce dernier. Dans sa construction comme dans son écriture, Les Eclats cadre probablement à la conception qu'a Bret Easton Ellis de la littérature. Sur ce plan, il faut reconnaître un sans-faute.

Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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