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Critique de franksinatra


En ce début d'année 1942, Los Angeles reste traumatisé par l'attaque japonaise surprise sur Pearl Harbor. Les déportations et internements des Issei et Nisei s'intensifient. le sergent Dudley Smith, le catholique irlandais fou promu capitaine au SIS, est envoyé en Basse Californie au Mexique pour surveiller les agissements de la 5ème colonne et empêcher les attentats japonais. Il en profite surtout pour mettre en place trafic de drogue et de travailleurs immigrés clandestins et parader en uniforme SS. de l'autre côté de la frontière, sous les trombes d'eau qui noient la "mégalo-pôle" californienne, le sergent du LAPD et souteneur patenté, Elmer V. Jackson qui essaye d'arrêter un cambrioleur violeur, hérite d'un cadavre, mis à jour lors d'un éboulement de terrain, qui pourrait être lié à deux anciennes affaires irrésolues vieilles d'une dizaine d'années : le vol d'une cargaison d'or dans un train et l'incendie meurtrier de Griffith Park.
L'occasion pour les génies scientifiques de la police Hideo Ashida et Joan Conville de mettre leur talent au service de la justice... ou de leur propre cupidité.
Quand deux flics véreux (pléonasme au LAPD des années 40 ?) et un nazillon mexicain sont retrouvés assassinés dans un klubhaus, mi bordel mi club de jazz dans un ghetto noir de la ville, une composante politico-idéologique vient complexifier la résolution des trois affaires qui semblent inextricablement liées les unes aux autres.

Le deuxième opus du Second Quatuor de Los Angeles est arrivé dans les bacs des libraires quatre ans après Perfidia. Une longue attente pour tous les fans du "Dog de L.A." qui espéraient avec impatience le retour des personnages ellroyiens emblématiques, tous plus ou moins barrés, déjantés, torturés, profondément ambivalents, capables de sacrifice mais dévorés par l'ambition et la convoitise, accros au sexe, à la came, à l'alcool, au fric et au pouvoir, véritables portraits d'une Amérique sombre et sauvage très éloignée de l'image idéale de l'American Way of Life et du rêve qui le caractérise.
Sortis de l'imagination fertile de l'écrivain ou personnages réels, les flics du LAPD, d'autres services ou même mexicains, les hommes de loi, les politicards, les médecins, les nymphomanes fatales et les prostituées, les hommes d'église, les journalistes, les acteurs de cinéma ou les musiciens évoluent dans des sphères où chacun surveille l'autre, le manipule ou l'exploite. Tous et toutes sont plongés dans une situation inédite car "c'est la guerre" et dans laquelle la répression et la spoliation contre les japonais, la paranoïa antinazie et anticommuniste, atteignent des sommets et viennent s'ajouter à la perversité décadente habituelle de la Cité des Anges.
En prenant place dans le grand projet d'Ellroy de réécrire l'histoire américaine entamé avec la première tétralogie consacrée à sa ville natale et poursuivi par la trilogie Underworld USA, "la tempête que vient" aborde une fois encore les thèmes de prédilection de l'auteur conservateur et provocateur. Les voici, sans ordre de préséance ou d'importance. le Fric. Trafics en tout genre, drogue, armes, êtres humains ou réseaux de prostitution, tous les protagonistes ou presque ont la volonté de se faire un maximum de blé. Inutile de dire que mettre la main sur un gros tas de lingots d'or, c'est le jackpot assuré. le Sexe. Entre les liaisons passionnées et les passes tarifiées, le sexe ou le désir sexuel est au coeur des chassés-croisés amoureux qui unissent les personnages en des trios pervers et improbables. le Pouvoir. Qu'il soit politique, judiciaire, journalistique ou conféré par une plaque et un flingue de service, le pouvoir, c'est la corruption et la violence. Chantage, assassinat, passage à tabac, destruction de preuves, écoutes et enregistrements cinématographiques illégaux, journaux à scandale ou jury fantoche, tout est bon pour assoir sa domination sur l'autre et son statut social.
James Ellroy développe donc ce qui fait son fonds de commerce dans le cadre idéologique, politique, social et religieux des années de guerre sans champs de bataille pour romancer des événements historiques en créant une triple intrigue riche et complexe. Parfois un peu trop riche et complexe car l'auteur ne laisse pas le lecteur souffler une seule minute et exige de lui une lecture concentrée et attentive qui n'est pas facilitée par le style syncopé et télégraphique dont Ellroy s'est fait le chantre et qui est sa marque de fabrique. Nerveuse, électrique, brutale, à l'instar des personnages, la prose destructurée d'Ellroy possède un rythme fusant et déchaîné et utilise un vocabulaire argotique et ordurier que d'aucuns peuvent juger trop gratuit pour être séduisant et dont les excès outranciers pourraient illustrer le prétendu déclin de l'auteur. Néanmoins, il est certain que d'autres peuvent y entendre la musicalité frénétique et tonitruante du Bebop qui prend à l'époque son essor. Mais c'est là la volonté du "Chien Fou" de nous perdre dans les facettes multiples de ce roman policier, noir, d'espionnage et historique qui nous plonge dans une Amérique fondée sur le crime et au sein de laquelle les idéologies communiste et fasciste cherchent à s'unir pour tuer la démocratie et créer une nouvelle alliance totalitaire.
L'accalmie qui n'arrive jamais dans ce roman viendra dans la patience dont nous allons devoir nous armer en attendant la sortie du 3ème opus de cette grande épopée.
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