Les gens ont de ces expressions. Ils prétendent que mon père a « trouvé » la mort. Comme s’il l’avait égarée. Comme s’il venait enfin de retrouver une paire de lunettes–impossible de mettre la main dessus. Ah bon, papa a trouvé la mort ? Génial ! Où était-elle, finalement ? Sous son lit, dans un sac de voyage, dans sa boîte à gants ? Ah là là mais quel distrait.
Un père n’est plus, un enfant qui naît. Ce hasard des trajectoires, ces connexions improbables, ces proches plus proches qu’ils ne le croient. Les clins d’œil du destin m’étonneront toujours. En sortant de l’hôpital, je lève les yeux très haut en me demandant à quel endroit du ciel Papa et cet enfant ont bien pu se croiser.
Pour l’heure, la mort de papa n’a atteint que notre cerveau, notre esprit et, peut-être, un morceau de notre cœur. Alors profitons-en. Car un jour surgira, du fond de notre âme comme du fond d’un terrier noir, un reptile venimeux : le manque.
« Nous avons peut-être fait un peu trop de bruit…
–Comment ça va ?
–Je veux dire, on a ri, on a bu, j’espère que ça n’a pas choqué les maisons voisines.
–C’est la vie, maman. Papa nous manque, il y a un vide, on le comble, on fait du bruit pour dix alors que nous sommes neuf, on compense, on se rapproche, on se réchauffe d’autant plus.
–Mais on n’est pas discrets !
–Tant mieux.
–Que veux-tu, on s’aime.
–Ben oui, ça doit être ça. »
(...) si la vie s'apprend petit à petit, la mort est une leçon qui s'acquiert d'un seul coup.
Pour l'heure, la mort de Papa n'a atteint que notre cerveau, notre esprit et, peut-être, un morceau de notre coeur. Alors profitons-en. Car un jour surgira, du fond de notre âme comme du fond d'un terrier noir, un reptile venimeux : le manque.