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Critique de rotko


La nouvelle titre donne le ton du recueil, elle en assemble aussi plusieurs thèmes. Elle se lit au moins à trois niveaux, littéralement, au niveau symbolique, politique et philosophique, telle un apologue.

Au départ l'excursion en forêt de plusieurs femmes, pensionnaires d'un sanatorium. Comme dans un conte, à ceci près que le « chemin des  rêves bleus » peut devenir « un trajet d'enfer », et la partie de plaisir, une amère désillusion.
La narratrice - en l'occurrence « Félicité », selon son surnom ironique, tient à la fois un récit externe et de courts monologues personnels, dont des injonctions à tenir bon, malgré le dur présent, et l'ombre du passé.
Les images sont fortes, à caractère symbolique, puisqu'elles montrent l'attachement à la vie : « Un arbre penché parallèlement à la rivière leur coupa le chemin. Ses racines comme des tentacules de pieuvre, se tendaient vers les durs rochers et, têtu, résolu, opiniâtre, il avait réussi à pousser sur cette pente vertigineuse. »

La chanson Vida e bonita fredonnée par l'une des participantes va dans le même sens : Vida e bonita « cela veut dire : « la vie est belle, belle, belle… n'aie pas honte de chercher à être heureux… » Paonlinho est né dans la rue, il a vécu dans la misère et il est mort de la tuberculose à trente trois ans. […] Si une personne qui est au fond de l'abîme dit que la vie est belle, il faut s'arrêter et prêter l'oreille. Mais pour pouvoir bien comprendre cette musique, il faut avoir vraiment souffert. »
Félicité espère une sortie bénéfique pour son mal être physique et mental, en compagnie de femmes mal en point, mais bien décidées à jouir de « l'Amazone express », mystérieux but de l'expédition, tenu secret. Une bonne surprise, pensent ses compagnes. Un espoir pour Félicité - et le lecteur, curieux de savoir de quoi il retourne.
Après tant de frustrations, le plaisir d'une balade en forêt,
« Elle sentait soudain qu'elle aimait profondément la vie, et éprouvait jusque dans sa moelle l'ardeur de l'existence. »
mais il faut se presser sous peine de rater « l'événement ».
L'entente avec ses compagnes d'infortune mettrait fin à une solitude subie, ce serait un essor, la fin du confinement. Un moment de bonheur, promettent les compagnes.
Le titre joue sur l‘ambiguïté : « les oiseaux DES bois », dirait le plaisir d'une excursion en forêt, sauf que dans la nouvelle de Tchekhov (Duel), l'oiseau DE bois ne peut s'envoler.
L'histoire tient à la fois du tragique et du dérisoire, avec en finale une scène grotesque à la James Ensor… « Félicité » sera renvoyée une fois de plus à sa condition d'exclue.
On reconnaît la patte d'Alsi Erdogan, avec des échos biographiques transparents. la Turquie apparaît en filigrane derrière ce sanatorium ; douleurs physiques, souffrances psychologiques et morales s'y côtoient - et maintiennent au ras du sol qui souhaiterait l'élan vers une vie heureuse.
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