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Critique de MarcoKerma


Ce qui différencie les Années de ses précédents livres (tous lus sauf Se Perdre et l'Occupation, parce que j'en avais assez du récit de ses amours..), c'est l'absence de "je" et, comme certain(e)s ici, cela ne m'a pas plu.
Cette distance par rapport à elle que ce choix crée est peut-être - sans doute - voulue par l'auteure et est aussi peut-être l'expression d'un sentiment d'étrangeté par rapport à soi-même qu'elle ressent, mais cette substitution du "je" par un "on" ou/et un "nous", généralisant, indistinctif, même s'il donne au texte un aspect historico-sociologique (très parcellaire quand même), enlève, à mon goût, la force du récit personnel et assumé ( y compris dans ses dimensions critiques - les Armoires Vides -), qui fait, selon moi, justement la singularité et l'intérêt des livres d'Annies Ernaux qui, en quittant ses parents épiciers-cafetiers d'une petite ville pour devenir étudiante, épouse d'un jeune cadre d'origine bourgeoise puis professeure, n'est pas représentative ni typique d'un milieu social bien identifié et homogène. Elle est atypique et le "on" et le "nous" effacent sa singularité; la disparition du "je" la dépersonnalise, la rejette dans un arrière-plan flou.
Par contre, ses aspirations adolescentes puis de jeune adulte, à se fondre dans son époque, me paraissent peu singulières (elle a parlé de cette contradiction, ce paradoxe, ce tiraillement, le cul entre deux chaises..). Au fil du texte, Annie Ernaux écrit de plus en plus souvent "ils/elles", désignant les "jeunes des années 60". J'ai alors identifié nombre des nouvelles habitudes de mes jeunes parents à cette époque (la 2 cv de ma mère nouvellement institutrice, les meubles en teck, la mode de la fondue bourguignonne..). En gros j'ai à peu près l'âge des fils d'Annie Ernaux. C'est assez amusant et en même temps ces évocations un peu catalogue ne m'ont pas vraiment passionné puisque je connais déjà (d'autres ici n'ont pas apprécié pour la raison inverse : plus jeunes que moi, cela ne leur a rien "dit"..).
Cette différence dite, j'ai beaucoup plus apprécié les passages (60 pages avant la fin et juste avant celle-ci) où elle nous explique son projet d'écriture, ce qu'elle veut/veut pas faire et pourquoi et comment. Il y a comme ça dans les livres d'Annie Ernaux des paragraphes qui sont du pain-bénit pour ceux et celles (étudiant(e)s ou non - qui veulent comprendre et expliquer A. Ernaux.
An fond, les Années auraient pu s'appeler les Annies..
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