Les armoires vides c'est l'histoire d'une déchirure sociale ; d'une fille coincée entre deux mondes, celui de ses parents : prolos, travailleurs, peu instruits qui gagnent leur vie en transpirant et celui des bourgeois : éduqués, ayant accès à la culture et qui gagnent leur vie en costumes cravates ou tailleurs. C'est une écriture brute, jetée sur le papier avec violence. Dépourvue d'une quelconque auto-censure. Des phrases vives, nerveuses, comme écrites dans l'urgence, de peur de changer d'avis peut-être, de reculer devant tant de vérité.
Mais sous l'apparence d'une écriture impulsive c'est un texte travaillé, des mots pesés, choisis que nous offre
Annie Ernaux. Passer de l'argot, au langage soutenu, d'un monde à l'autre, d'un extrême à l'autre sans perdre le lecteur, sans que ce soit fouillis. Rien n'est laissé au hasard.
C'est un texte court, violent par sa franchise et la mise à nue de l'auteur. Sans mièvrerie ni apitoiement, sans fierté ou fausse modestie, ce texte est un état des lieux. le monde est comme ça. C'est rageant, c'est injuste et comment trouver sa place ?
Il y a beaucoup de contradictions dans ces lignes, beaucoup d'oppositions. Il y a un grand décalage entre ce que ces parents aimants et dévoués mériteraient en retour des sacrifices faits pour élever leur fille et entre ce que cette enfant est capable de leur donner. Ce décalage entraîne une grande culpabilité, de laquelle découle une grande colère. Violence de la société qui conduit à la violence des sentiments. D'où l'urgence de quitter ce carcan. La porte de sortie c'est l'instruction, la fac, les livres pour enfin être libre de choisir son monde ou finalement n'en choisir aucun. Qui sait ?
Une atmosphère dense, servie par une écriture nerveuse, pour un roman qui se lit d'une traite.