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EAN : 9782070376001
181 pages
Gallimard (23/10/1984)
3.83/5   524 notes
Résumé :
« Ça suffit d'être une vicieuse, une cachottière, une fille poisseuse et lourde vis-à-vis des copines de classe, légères, libres, pures de leur existence... Fallait encore que je me mette à mépriser mes parents. Tous les péchés, tous les vices. Personne ne pense mal de son père ou de sa mère. Il n'y a que moi. »
Un roman âpre, pulpeux, celui d'une déchirure sociale, par l'auteur de La place.
Critiques, Analyses et Avis (59) Voir plus Ajouter une critique
3,83

sur 524 notes
Les armoires vides c'est l'histoire d'une déchirure sociale ; d'une fille coincée entre deux mondes, celui de ses parents : prolos, travailleurs, peu instruits qui gagnent leur vie en transpirant et celui des bourgeois : éduqués, ayant accès à la culture et qui gagnent leur vie en costumes cravates ou tailleurs. C'est une écriture brute, jetée sur le papier avec violence. Dépourvue d'une quelconque auto-censure. Des phrases vives, nerveuses, comme écrites dans l'urgence, de peur de changer d'avis peut-être, de reculer devant tant de vérité.

Mais sous l'apparence d'une écriture impulsive c'est un texte travaillé, des mots pesés, choisis que nous offre Annie Ernaux. Passer de l'argot, au langage soutenu, d'un monde à l'autre, d'un extrême à l'autre sans perdre le lecteur, sans que ce soit fouillis. Rien n'est laissé au hasard.
C'est un texte court, violent par sa franchise et la mise à nue de l'auteur. Sans mièvrerie ni apitoiement, sans fierté ou fausse modestie, ce texte est un état des lieux. le monde est comme ça. C'est rageant, c'est injuste et comment trouver sa place ?

Il y a beaucoup de contradictions dans ces lignes, beaucoup d'oppositions. Il y a un grand décalage entre ce que ces parents aimants et dévoués mériteraient en retour des sacrifices faits pour élever leur fille et entre ce que cette enfant est capable de leur donner. Ce décalage entraîne une grande culpabilité, de laquelle découle une grande colère. Violence de la société qui conduit à la violence des sentiments. D'où l'urgence de quitter ce carcan. La porte de sortie c'est l'instruction, la fac, les livres pour enfin être libre de choisir son monde ou finalement n'en choisir aucun. Qui sait ?

Une atmosphère dense, servie par une écriture nerveuse, pour un roman qui se lit d'une traite.
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De l'ascension sociale au temps des faiseuses d'ange.

"Les armoires vides" c'est le récit de la honte du milieu social dans lequel on est élevé. C'est le récit violent des souvenirs d'enfance, dans le café-épicerie familial. C'est l'envie de sortir de là, c'est l'éducation (la réussite scolaire) qui doit permettre de sortir de là.

Denise Lesur, jeune étudiante, est en train de subir un avortement clandestin dans sa chambre d'étudiante. Lui reviennent alors à l'esprit tous les souvenirs de son enfance, de ses rapports avec ses parents, de la haine qu'ils lui inspirent.

Dans un style très vif, utilisant des mots durs, Annie Ernaux nous livre ici un premier roman remarquable. le regard qu'elle pose sur la société de cette époque,au confins des années 50, est très intéressant. C'est la méritocratie française qui est disséquée, la réussite sociale par les études, la découverte de la culture littéraire et musicale, l'espoir d'une vie meilleure.

C'est une lecture émouvante, un impressionnisme social et psychologique redoutable.
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Je garde de ce livre un souvenir poisseux.
Ce livre colle, ce livre coule, il tache, il moisit, il pourrit.
L'écriture d'Annie Ernaux - et en particulier dans ce roman - est très matérielle, terrestre. Ces passages coulants sont souvent liés à la condition sociale de l'héroïne, Denise. En effet, cette dernière est la fille de petits commerçants, d'ouvriers incultes et modestes, mais grâce à ses excellents résultats scolaires, elle entrera à l'école privée, décrochera son bac, entrera à l'université.
Denise est à cheval entre deux mondes, le monde poisseux de son enfance où l'on mange avec les doigts et où l'on fait pipi au fond de la cour, et le monde éthéré des bourgeois, dont il lui a fallu apprendre les codes. Ce roman, c'est un roman de déchirure entre ce que l'on était, ce que l'on est, ce que l'on voudrait être et tout ce qu'il y a entre ces catégories.
Une de mes lectures les plus intéressantes de ces deux dernières années, en dépit de la prose dense et saccadée qui vous laisse une boule dans le ventre.
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C'est le troisième roman d'Annie Ernaux que je lis. Elle écrit sur sa vie. Beaucoup de critiques appuient sur le fait que lire un Ernaux revient à lire tous les Ernaux.

Il est certain que l'on retrouve sa pâte, que certains matériaux autobiographiques ont été déjà contés et ne nous sont pas inconnus mais néanmoins, de chacun de ses romans se dégagent une atmosphère différente, un thème différent. Dans La place, j'ai trouvé de la douceur face aux regrets qu'elle exprime de ne pas avoir su se rapprocher, dialoguer avec son père, dans la femme gelée, c'est sa vie de femme mariée qu'elle décortique et dans Les armoires vides, l'ambiance est encore tout autre, puisqu'elle décrit froidement, douloureusement, honteusement son IVG.

Pas de douceur, pas de tendresse avec elle-même, elle décrit, au travers de Denise Lesur, la narratrice, cette épisode déchirant de sa vie, qu'elle considère comme sa punition, ultime punition, pour avoir détesté ses parents qui n'évoluaient pas dans le monde des "distingués". Elle nous conte, sa haine, sa honte, sa jalousie, ses humiliations, elle nous conte, sur un ton vif et saccadé, empreint d'une vive sincérité, la douleur de la déchirure sociale.

"J'ai été coupée en deux, c'est ça, mes parents, ma famille d'ouvriers agricoles, de manoeuvres, et l'école, les bouquins, les Bornins. le cul entre deux chaises, ça pousse à la haine, il fallait bien choisir. Même si je voulais, je ne pourrais plus parler comme eux, c'est trop tard. « On aurait été davantage heureux si elle avait pas continué ses études ! » qu'il a dit un jour. Moi aussi peut-être."

Quel talent !
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Les armoires vides n'est pas mon premier Annie Ernaux mais pour l'écrivaine il s'agit de son premier ouvrage... Je me suis vite aperçue qu'ici elle retrace sous le pseudo de Denise Lesur (alors qu'ensuite elle ne se dissimulera plus sous un nom d'emprunt) sa jeunesse jusqu'à son avortement, point de départ de son récit. Elle "expulse" ses origines comme elle attend l'expulsion de l'embryon qu'elle porte : la honte qu'elle ressent face à ses parents, aux clients du café-épicerie qu'ils tiennent, à leurs manières rustres et leur manque d'éducation, qui seront finalement son moteur pour avancer sans l'échelle sociale.
Elle jette son dégoût en vrac, tout remonte et l'on ressent la colère qui l'habite, les images d'une époque pour finir par comprendre que celle qu'elle est devenue elle leur doit. C'est à la fois violent, cru, sans filtre, un style et une écriture que l'on retrouvera tout au long de ses écrits, revenant plus en détails par la suite sur différents thèmes et époques de son existence. J'ai aimé mais préféré ses autres ouvrages, quand elle n'aborde qu'un seul personnage (La place : son père ou Une femme : sa mère par exemple) ou époque car le style y est plus abouti, l'analyse plus construite. Mais l'écriture et l'orientation de son oeuvre y sont déjà semées.
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critiques presse (2)
Culturebox
07 octobre 2022
Court et percutant, le livre raconte avec détail cet avortement ressenti comme un échec, une forme d'humiliation.
Lire la critique sur le site : Culturebox
SudOuestPresse
07 octobre 2022
Court et percutant, il raconte, avec détail, cet avortement ressenti comme un échec, une forme d’humiliation.
Lire la critique sur le site : SudOuestPresse
Citations et extraits (54) Voir plus Ajouter une citation
Mais les plus belles découvertes, celles qui me suivent, qui m'arrachent à moi, dissolvent complètement mon entourage, c'est dans les livres de lecture, de vocabulaire et de grammaire que je les fais...
Ma mère n'entre pas dans cette image, pas plus que mon père ne peut deviser-converser-discourir dans un cercle de relations-collègues-intimes. Ces mots me fascinent, je veux les attraper, les mettre sur moi, dans mon écriture...
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Voir clair, raconter tout entre deux contractions. Voir où commence le cafouillage. Ce n'est pas vrai, je ne suis pas née avec la haine, je ne les ai pas toujours détestés, mes parents, les clients, la boutique...Les autres, les cultivés, les profs, les convenables, je les déteste aussi maintenant. J'en ai plein de ventre. A vomir sur eux, sur tout le monde, la culture, tout ce que j'ai appris. Baisée de tous les côtés.
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J'ai été coupée en deux, c'est ça, mes parents, ma famille d'ouvriers agricoles, de manœuvres, et l'école, les bouquins, les Bornin. Le cul entre deux chaises, ça pousse à la haine, il fallait bien choisir. Même si je voulais, je ne pourrais plus parler comme eux, c'est trop tard. "On aurait été davantage heureux si elle avait pas continué ses études !" qu'il a dit un jour. Moi aussi peut-être...
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Je me sentais lourde, poisseuse, face à leur aisance, à leur facilité, les filles de l'école libre. J'enlevais mon gros gilet de laine que ma mère m'avait fait enfiler en plein mois d'avril. Je croyais sortir de ma lourdeur...
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Il n'était pas possible que ma vie, rue Clopart, ne soit pas l'envers d'une autre, une épreuve infligée par des puissances mystérieuses, pas par le dieu de la messe, entouré de ses statues trop connues et qui ne parle que du péché, du ciel et de l'enfer. Les livres, eux, ne me reprochent rien, la vie claire et transparente de mes héroïnes ne me ramène pas à mes vols de nougat dans la boutique odorante, aux jupes soulevées devant la glace, aux moqueries lancées à quelque vieux soûlot. Ils dessinent au contraire les contours flous d'une Denise Lesur telle que je la voudrais, telle que je la vivais dans ma tête quand tout était calme.
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Videos de Annie Ernaux (86) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Annie Ernaux
Dans un pamphlet dirigé contre ce qu'il théorise comme le "dolorisme" des récits des origines contemporains, à l'instar des ouvrages d'Édouard Louis et d'Annie Ernaux, Gérald Bronner théorise un autre regard sur les transclasses. Il est l'invité de Guillaume Erner.
#transclasse #education #litterature __________
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