L'Amour ne rend pas la monnaie

Il a honte de la montée d’une certaine satisfaction. Comme s’il n’avait jamais eu envie de faire sa vie avec cette femme, pas plus qu’avec une autre. Moins encore de vivre les « joyeusetés » de la paternité. Il sait qu’il va pouvoir continuer à l’aimer. Jamais elle ne le décevra. Cet amour là ne s’effilochera pas. Il pourra se raconter qu’il a aimé une fois dans sa vie. Se mentir.

L’encourager à discourir sur ses activités favorites, ses passions et valoriser l’importance de celles-ci. Ne pas avoir peur des clichés et lui parler de son charme, de ses yeux, ses cheveux, de son élégance… Mais pas avant d’être certain d’avoir établi un climat de confiance… En théorie il maîtrise. Il sait exactement comment se comporter avec une femme. En théorie.

Survivre à un amour consiste à nier qu’il ait vraiment existé.

La première femme qu’il séduit est mariée et a deux enfants. Trompe son mari pour la première fois. Âgé de cinquante-huit ans, ça faisait un moment qu’il n’avait pas baisé. Sa psychanalyste a raison, l’appétit vient en mangeant. Il se lasse. La seconde lui vide ses bouteilles d’alcool en douce ou les coupe à l’eau pour dissimuler la diminution du niveau. Achète les mêmes pour les remplacer.

Ma copine est étudiante en psychologie. Elle m’affirme que je n’ai pas encore dépassé mon stade oral et anal. Elle m’expose les étapes du développement qu’il me faudrait franchir pour devenir enfin adulte. D’après elle, c’est trop tard. Elle me conseille de chercher une femme qui aime materner. De plus, sa psychanalyste lui a clairement dit que j’étais immature.

La sociologie ne l’intéresse pas. Je croule sous les dettes. Tous les riches ont une belle femme, ça aussi c’est sociologique.

L’épanouissement par le travail est une farce, j’ai juste besoin de plus de fric. La docilité, le dévouement, le respect pour mes supérieurs hiérarchiques, hors de question…

Si j’étais une fille je ne voudrais pas de moi. Il m’est aisé de comprendre pourquoi aucune femme ne veut coucher avec moi. Je suis disgracieux, pour ne pas dire laid. Laid pour ne pas dire hideux. Si l’une d’elles m’acceptait enfin, à un moment ou à un autre, il faudrait que je lui fasse payer le mépris et la répulsion de toutes les autres. 

L’amour sans filet comporte quelques risques qu’elle a jusque-là ignorés. C’est l’heure de la chute.