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Citations sur L'aube noire (12)

A l’approche de novembre, le mauvais temps arriva. La pluie se mit à tomber, mêlée d’un sable qui venait directement du Sahara. Quand elle cessa, remplacée par un sirocco tiède, une patine rougeâtre s’était déposée partout comme du sucre glace sur un gâteau… un tel phénomène n’était pas rare, mais, d’après les anciens, il annonçait toujours des malheurs…
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Le samedi 15 août 1908, l’aube se leva plus tôt que d’ordinaire sur Messine, comme si elle craignait d’être en retard pour la fête. Dans les rues de la ville endormie, le frottement des balais des éboueurs, quelques voix, des bâillements isolés, çà et là, aux fenêtres ouvertes, aux portes des maisons, commençaient à troubler le silence ; les premiers fiacres roulaient sur les pavés de lave brune. Les cafés ouvraient leurs portes ; sur les quais, place de la Cathédrale, des vendeurs ambulants, venus de toute la Sicile, et aussi de Calabre, montaient leurs étals ; partout on s’embrassait, on échangeait des vœux pour l’Assomption. La ville bruissait de sa rumeur chantante et joyeuse.
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Sans quitter des yeux la sauce qui gargouillait dans le ventre de la marmite en terre cuite, Maria désigna le paquet d’un signe de tête. « Dis à la baronne qu’elle me réglera tout à la fin du mois… »

Rosario ferma les yeux et respira à plein nez le parfum douçâtre des tomates mêlé à l’odeur de la peau de sa mère. « Où est papa ?
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« T’en fais pas, maman », répondit Rosario depuis le couloir. Il ouvrit sans bruit la porte de la chambre de ses parents et jeta un regard attendri à Cettina, sa petite sœur, qui dormait sur le grand lit. Enfin, il s’élança dans la rue.
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Près de la guérite occupée par un jeune planton, il reconnut le lieutenant Marco Valerio Sestili, un Romain d’une trentaine d’années, bel homme aux yeux clairs et aux cheveux bruns coupés courts ; commandant du poste depuis six mois, il avait vite conquis l’estime de ses hommes et la bienveillance des habitants du quartier. Ce jour-là, habillé en civil, il bataillait avec la chaîne d’un vélocipède que sa section venait de recevoir.
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Le lieutenant le regarda s’éloigner dans la rue Cardines et reprit sa lutte contre la chaîne de l’engin. Après plusieurs tentatives, il finit par la glisser sur la roue à dents. Il nettoya ses mains graisseuses, se mit en selle et arriva rapidement devant la maison de Rosario, une construction basse en briques rouges dont la porte d’entrée donnait directement sur la rue. Maria vint ouvrir en s’essuyant les mains sur son tablier. « Ah, c’est vous, lieutenant…
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Le lieutenant la remercia, enfourcha sa bicyclette et rentra à la caserne. Il gara son tout nouveau moyen de transport dans la cour, près de l’écurie, et se dirigea vers le bureau de l’adjudant Egidio Ortensi.

Ortensi, dont le regard sévère impressionnait souvent, était originaire de Lecce. À cinquante ans, il avait passé la moitié de sa vie sous les drapeaux, dont plus de vingt années à Messine. Il se leva à l’entrée de son supérieur. « À vos ordres, mon lieutenant.
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Comme tout le centre de Messine, la rue Cardines était parée pour la fête ; aux façades des palais flottaient le drapeau tricolore et la bannière, jaune et rouge, de la ville. Marchant toujours côté ombre, Rosario franchit le carrefour de la rue I Settembre et déboucha rue Giuseppe Garibaldi. Il longea les vitrines luxueuses, les colonnades des palais, les églises baroques et les perrons des grands hôtels. Puis il traversa la chaussée en courant, esquiva quelques fiacres et vélocipèdes et gagna l’entrée du palais Torielli. D’un signe de la main, il salua le portier désœuvré devant sa loge et grimpa à l’étage en courant. Un homme d’une cinquantaine d’années, grand, blond, très maigre, vint lui ouvrir. La laideur du personnage était accentuée par des mains étonnantes, si longues et fines qu’on eût dit celles d’une femme, et par un gros grain de beauté sur la joue droite, près du nez. C’était Alfredo, le majordome de la maison Torielli. « Ah c’est toi ! Tu sais quelle heure il est ? » lança-t-il sèchement au jeune homme.
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Les origines des Torielli de Castroreale remontaient à la domination aragonaise. À présent, les rênes de la famille étaient dans les mains du baron Orfeo Torielli. Cet homme de cinquante-cinq ans, cultivé et élégant comme le sont souvent les aristocrates siciliens, avait deux grandes faiblesses : le jeu et les femmes. Deux vices ruineux pour lesquels il dilapidait un patrimoine familial conséquent constitué de terres, d’immeubles, de villas, de titres, sans compter un projet bien avancé d’agence maritime. Fidèle à la tradition des hommes de la maison Torielli, qui, depuis des décennies, se rendaient en Espagne pour prendre femme, Orfeo avait épousé Donna Flora Arantès, comtesse de Murcie, dont il avait eu trois enfants : Cristina, vingt-cinq ans, belle comme sa mère mais aussi peu fiable que son père ; Isabella, vingt-deux ans, vaguement étudiante en lettres mais cavalière émérite ; et Filippo, vingt ans, qui devait hériter du titre. À la différence de ses sœurs, coquettes et mondaines, Filippo était timide et introverti, toujours penché sur ses livres d’histoire et de philosophie qu’il étudiait brillamment à l’université de Messine. Écrasé par la forte personnalité de son père, il souffrait régulièrement de « crises de nerfs » que le professeur Ferro, le médecin de la famille, soignait par des doses massives de laudanum. Son extraordinaire beauté et les innombrables conquêtes de son mari avaient fait de Donna Flora un des sujets de prédilection des commérages de la bonne société, en particulier des membres du Nouveau Cercle, le club très fermé de Messine. Les ragots sur les cornes de la belle Espagnole se concluaient toujours par d’hypocrites déclarations de solidarité à son égard et des blâmes envers le mari volage. En réalité, aucun d’eux ne souhaitait qu’Orfeo s’assagît et les privât de leur passe-temps favori.
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Pendant ce temps, l’autre moitié de Messine, celle qui s’était accordé quelques heures de sommeil supplémentaires en ce jour de fête, avait fini par se réveiller. Les familles qui descendaient de trams bondés envahissaient les quais, la place Cairoli et la rue Garibaldi. En cette occasion particulière, les jeunes filles avaient le droit de sortir sans la présence obsédante de leurs frères ou de leurs parents. Elles allaient par petits groupes, se tenant par la main et lançant des œillades aux garçons qui paradaient dans leurs habits du dimanche au coin du boulevard San Martino et de la place Cairoli. C’était par là aussi que passaient, les jours de fête, les filles de Mme Barreca, la maîtresse du bordel le plus fréquenté de la ville. La place se figeait, les regards des hommes et des femmes, animés de sentiments opposés, se tournaient vers ces « demoiselles » élégantes, aux tenues voyantes, qui riaient à gorge déployée dans leurs voitures et multipliaient les signes sans équivoque.
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