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Citations sur Les larmes brûlées (21)

Il est 5h30 du matin. Je me réveille en sursaut, en sueur et me dresse sur le lit. Mon premier réflexe pavlovien est d’empoigner mon mobile pour trouver machinalement une extension de moi dans le réel. Je suis en nage et suffoque. J’ai fait un nouveau rêve dans lequel je suis vivant et assiste impuissant, devant un écran, à la mise à mort d’enfants dans un camp d’extermination. Je suis dans un état de panique paroxystique. Je veux exploser ce putain d’écran mais ne le peux pas. Les enfants descendent quelques marches. Ils se déshabillent et entrent dans une chambre à gaz. Je crie, hurle, supplie. Je veux bloquer l’entrée de la porte, imposer mon corps pour les empêcher de passer, leur interdire l’entrée. Je pleure et reconnais ces putains de larmes. C’est très étrange : je ne suis pas vivant. Je suis mort et vois une scène chez les vivants. Je suis un état d’esprit, je suis un esprit, mais je n’existe plus dans le monde terrestre. Je peux juste assister. Je sais ce qui va se passer et ne peux rien. Je deviens fou de rage et de désespoir. Depuis l’intérieur de mon rêve, je me dis que je fais un cauchemar. Mon cerveau de rêveur cherche à nier la réalité du rêve, la fuir, la contrôler, la dévier et l’éviter. Je veux anéantir le cauchemar que je fais réellement. Cet état de stress total n’est perceptible de personne. Je suis un mort-vivant. Aucun secours, nulle part. Les images impassibles défilent froidement devant mes yeux. C’est insupportable. Je vois les gardes SS refermer les portes. Je peux presque les toucher. Je cogne sur l’écran, je veux les tuer. Je veux ouvrir ces putains de portes. J’hurle et hurle et hurle et hurle sans fin. J’entre moi aussi.
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Nous avons besoin de ces histoires de nazis pour retrouver le goût de nos madeleines de Proust. Nous n’avons évidemment aucune nostalgie du nazisme que nous abhorrons. Mais la moindre image de l’entre deux-guerre, concomitantes de la montée du nazisme en Allemagne, transporte un cortège de sons, lumières, odeurs, couleurs, lieux, dans et à travers lesquels nous retrouvons un accès vers la vie. Vers l’eau de la vie, vers l’eau des larmes que j’ai tant voulu boire jusqu’à la lie depuis ma plus tendre enfance, toutes les nuits. C’est dans l’arrière-monde de ces images que se trouve notre réalité, notre vie, nos joies simples, notre vie de coloc à nous qui n’a rien à voir avec la tienne : nous ne sommes pas du même temps. Notre temps à nous, c’est là où un tsunami nous aurait déchiquetés et aurait fait de nous une chose suspendue prisonnière entre vie et mort.
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Momy et moi, étions extraordinairement détendus en ce beau matin. Momy était en vacances de lui-même. Une trêve en quelque sorte : pas de haine des allemands dans mes oreilles, pas de recherche de nazis terrés dans des caves : je buvais du petit lait : le paradis ! Et puis, j’ai été flashé. J’ai failli lâcher ma tasse. Une image pleine et entière, s’est collée sur ma rétine, à me brûler les yeux. Ce n’est pas une simple image, c’est une météorite avec des fragments d’histoire en-dedans. Dans l’ambre d’une chambre noire, ce flash saisit et fixe des personnages en mouvement, dans un moment de vie. Il y a des intentions, en-dedans leurs têtes auxquelles j’ai eu accès. Le cliché fait une césure temporelle dans cet instant d’éternité.
(…)
Et celui qui est flashé, c’est moi, le mort-vivant. Je vois ma duplicité. Et je me dis assez facilement : et si lui, c’était moi. Je n’aime pas les mysticaillons dogmatiques et fanatiques qui s’engouffrent dans la moindre ignorance pour déclamer leurs oracles d’oiseaux de mauvais augure : je ne veux pas tirer des plans sur la comète et affirmer unilatéralement : lui c’était moi. Je me pose juste cette question : et si lui, c’était moi ? Pour me préserver, il me faut laisser ce fantôme giclé du passé, bien enfermé dans sa lampe-flash. Je n’irai pas frotter pour voir surgir l’ectoplasme en trois dimensions. Il pleure depuis toujours en moi.
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J’ai demandé à ma mère le nom de cet homme et elle m’a répondu : Hitler. Qu’avais-je à voir avec ça ? J’étais troublé et terrorisé. Et cette suie que je sentais s’infiltrer dans tous mes jours, cette suie venait de là, de cette odeur-là, de ce monde dont on me disait qu’il n’existait plus. Cette apparition télévisuelle a marqué la fin du doute et de l’incertain. Quelque chose de monstrueux et pourri hantait bel et bien mon existence. Et c’était ce fantôme-là : Hitler. Je sentais tout un continent broyé derrière ce visage là.
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Une petite sœur doit arriver, il me faudra être gentil avec elle. Et pourquoi ? Qui était gentil avec moi ? J’étais déjà en total déficit d’affection ! Si maintenant il me fallait donner à une créature virtuelle un peu de cet amour que je n’ai pas et ne reçois pas, que me restera-t-il ? Ça me dérangeait de devoir héberger un nouveau colocataire dans un territoire désolé, dans un espace déjà restreint. D’ailleurs, j’étais prié de quitter ma chambre et rejoindre mon frère pour laisser de la place pour la migrante. Tout, mais pas ça ! J’allais perdre toute intimité et toute autonomie. Comment allais-je préserver le secret de mes larmes de nuits avec celui-là en face de moi ? On ne pouvait pas tout me prendre : je n’avais que ça : la jouissance de mes nuits de larmes.
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Je suis dans l’urgence et leur demande de ne pas
laisser leurs enfants visiter Auschwitz. Il faut être adulte, savoir très
explicitement ce qui nous attend pour décider sciemment ce voyage.
Laisser entrer des enfants sur ce site, c’est donner raison aux nazis,
soixante-quinze ans après. C’est leur permettre de faire
expérimenter à des générations d’innocents, la dénaturation
psychopathe du sens même de la vie. C’est leur permettre de
pénétrer dans des cerveaux en construction. Aucun enfant ne doit
être embarqué là-dedans. C’est radical et discutable et mes amis sont
les premiers étonnés de m’entendre tenir ce discours. Ils m’auraient
plutôt vu dans la peau du conducteur de bus qui raflerait leurs
enfants pour les mener-là et leur greffer l’histoire.
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Des papillons blancs et jaunes, tout fébriles, presque transparents,
surgissent de l’accouplement des deux bleus des mers et
cieux enlacés. Et j’entends enfin piailler des enfants. Ces cris-là me
traversent comme des babillements de dieux indomptables et insoumis.
Je regarde les parents. J’ai envie de les serrer dans mes bras, les
embrasser tous. Je voudrais leur dire : je rentre des enfers, faites très
attention à vos enfants, ce sont des enfants de dieux. Ne les laissez
jamais pénétrer dans ce royaume d’Hadès. Jamais. Sous aucun prétexte.
Promettez-le-moi ! Promettez-le leur ! Promettez-le vous !
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J’ai composé avec leurs monstruosités mêlées aux miennes. Je
ne me suis pas enfui. Le présent qui habitait tout entier mon colocataire
frère, les colocataires adultes qui épuisaient leurs énergies en
baves mixées sur leurs bouches cannibales, la grand-mère éclipsée
après avoir lâché les paquets dans cette brousse, tous sont devenus
les rythmes biologiques de mon quotidien. Comment faire pour
vivre ici ? Et pourtant la vie s’est étalée dans toute la médiocrité de
sa platitude. Je me réfugiais souvent dans le grenier de la vieille bâtisse
pour feuilleter un livre d’images de Paris en couleur et en noir
et blanc. Des bâtiments et atmosphères emblématiques. Nous n’aurions
jamais dû quitter cette ville. Maintenant, Il me fallait patienter
dans cet enfer où rien ne touchait mon esprit.
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C’est un nounours.
Et je l’ai immédiatement pointé du doigt.
Je n’avais aucun doute, c’était lui. C’était moi. C’était lui pour moi. Il était bleu
pale. Mamy me l’a acheté. Elle a posé là un acte dont elle n’a jamais su
l’ampleur. Pour la première fois, quelque chose, quelqu’un, me
réconfortait. Je n’ai jamais autant aimé que dans ce premier amour-là.
Il était tout pour moi. Je n’avais d’yeux que pour lui. Il était beau
comme le ciel. Une âme, un esprit se sont greffés dans le nounours
en peluche. Pour partager ma solitude. Peut-être, avais-je été entendu
quand j’appelais au secours la nuit. Un dieu attendri me l’aura
envoyé. Pour me rappeler le goût et le parfum du ciel. Pour me rappeler
une planète bleue. Je ne le lâchais jamais. Il me parlait. Il dialoguait
avec moi. C’était un esprit sans âge : parfois un enfant,
parfois un vieillard pétri de bienveillances, parfois un homme jeune
voulant m’apprendre à me défendre dans la vie, parfois un père écartant
les difficultés sur mon passage. Je le portais dans mes bras et
devenais invincible. Un ami était venu me réconforter sur cette terre
hostile. Je l’ai aimé de tout mon esprit, de tout mon être.
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Je pleure nuit et jour depuis un an. Je
ne prends aucun médicament. Je ne suis allé voir aucun psy. Je ne
me suis réfugié ni chez ma mère ni chez ma meilleure amie. Je ne
me suis recroquevillé sur aucun canapé de looser puant le tabac froid
et humide, où tu sniffes des poils de chats incrustés depuis des générations.
Je n’en avais pas besoin pour bien me confirmer que tomber
plus bas, serait juste ronfler sur le sol truffé d’acariens. Dehors,
dans la niche du chien cagneux, dans un égout. Je ne bois pas non
plus. Je ne fume pas : j’ai arrêté en 2008. Pour amortir la chute, je
me suis exilé à deux-mille-cinq-cents kilomètres pour faire face à
cette Méduse qui a eu ma peau. Je veux recracher la lave dont elle
m’a recouvert, tout entier.
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