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Critique de daniel_dz


Un essai extrêmement intéressant sur les châtiments infligés par les tribunaux. Trois chapitres dont les titres sont autant de questions fondamentales : qu'est-ce que punir ? pourquoi punit-on ? qui punit-on ? Si l'approche initiale est celle d'un philosophe qui cherche à bien définir les concepts et à en décrire l'évolution dans le temps, l'auteur s'attache ensuite à confronter la théorie à la réalité pratique. Et c'est cela qui me pousse à vous recommander chaudement cet ouvrage, dont l'écriture fluide vous ne vous apportera aucun ennui, bien au contraire.

Didier Fassin, anthropologue, sociologue et médecin né en 1955 est professeur à l'université. Il n'en est pas à ses premiers pas dans le domaine qui nous occupe ici: il a également publié « La force de l'ordre : Une anthropologie de la police des quartiers » et « L'ombre du monde : Une anthropologie de la condition carcérale ».

Le premier chapitre de « Punir: une passion contemporaine » expose l'évolution de la notion de punition, montrant comment on est passé, en partie sous l'influence de la religion catholique, d'une économie affective de la dette (réparer la faute) à une économie morale du châtiment (infliger de la souffrance). Ensuite, le deuxième chapitre est consacré aux raisons qui poussent à punir: utilitaristes, pour augmenter le bien-être de la société, ou rétributivistes, où l'on se focalise sur le fait de punir l'acte commis. Dans les deux cas, l'auteur démontre brillamment l'écart entre les idéaux théoriques et la réalité pratique, ce qui est encore plus frappant dans le troisième chapitre, « Qui punit-on ?», qui démontre comment la justice fustige les inégalités sociales. Je cite: « En effet, c'est justement en choisissant les infractions qu'il faut sanctionner et en déterminant parmi les auteurs ceux qu'il faut cibler que la pénalité est le mieux à même d'opérer des différenciations au sein de la société : la consommation de cannabis plutôt que l'abus de biens sociaux ; les patrouilles de police dans les quartiers populaires plutôt que dans les zones résidentielles. Ces différenciations ne sont bien sûr pas socialement neutres : elles relèguent les uns et protègent les autres. La répression sélective de certaines catégories d'illégalismes et de populations joue ainsi un rôle important dans la production et la reproduction des disparités sociales. »

Pour titiller un peu plus votre curiosité et vous donner l'envie de lire ce magnifique essai, je citerai son paragraphe final: « Punir, disent les philosophes et les juristes, c'est corriger un mal, réparer un préjudice, réformer un coupable, protéger la société. La légitimité ultime du châtiment devrait ainsi être la restauration d'un ordre social juste que le fait incriminé avait menacé. Or, si le châtiment n'est pas ce que l'on dit qu'il est, s'il n'est pas justifié par les raisons que l'on croit, s'il favorise la réitération des infractions, s'il punit en excès de l'acte commis, s'il sanctionne en fonction du statut des coupables plus que de la gravité de l'infraction, s'il vise avant tout des catégories préalablement définies comme punissables et s'il contribue à produire et reproduire des disparités, alors ne devient-il pas plutôt ce qui menace l'ordre social ? –et ne faut-il pas, dans ce cas, le repenser, non plus seulement dans le langage idéal de la philosophie et du droit, mais aussi et surtout dans la réalité inconfortable de l'inégalité sociale et de la violence politique ? »
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