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Citations sur Punir (18)

D'un côté, les individus s'avèrent de moins en moins tolérants à ce qui trouble leur existence. [...] Cette tendance [...] épargne [toutefois] volontiers les catégories dominantes et touche durement les classes populaires. La fraude fiscale est généralement mieux tolérée que le vol à l'étalage. En fait, cette hiérarchie des désordres et la modulation correspondante des sanctions manifestent à la fois un durcissement des rapports sociaux et une différenciation des jugements moraux.
Mais, d'un autre côté, les élites politiques renforcent et même anticipent les inquiétudes sécuritaires des citoyens. [...]
L'intolérance sélective de la société et le populisme pénal des politiques se répondent donc. [...] C'est la combinaison des deux phénomènes qui produit l'emballement constaté. (p. 10-12)
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L'illusion punitive contemporaine réside dans le décalage entre l'idéal de peine juste qu'on affirme et la réalité de l'inégale distribution des peines qu'on refuse de voir. (p. 148)
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Pour les policiers, la jouissance de l'intimidation, de l'humiliation, de la violence verbale et physique est patente, comme elle l'est dans de nombreux cas que j'ai pu observer où, à la relation de pouvoir, s'ajoutent l'inégalité sociale et la distance ethnoraciale.
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Contrairement à ce qu'on avait donc pu penser, le spectacle du châtiment et de sa cruauté, qui rassemblait autrefois le peuple sur les places où avaient lieu les supplices et les exécutions, n'a pas disparu : il s'est transporté sur les écrans. Assurément, il s'est adapté aux exigences des sensibilités contemporaines : il s'est adouci ; il ne met plus en jeu le corps, mais la dignité ; il ne montre plus une agonie physique, mais une mort sociale.
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La France traverse la période la plus répressive de son histoire récente en temps de paix. Si l'on fait exception, en effet, des années qui ont immédiatement suivi la Seconde Guerre mondiale, jamais autant d'hommes et de femmes n'y ont été emprisonnés. [...] Cette évolution n'est cependant pas due, comme on serait tenté de le croire, à une augmentation de la criminalité. Bien que les statistiques en la matière soient difficiles à interpréter [...], les éléments dont on dispose confirment, sur le dernier demi-siècle, un recul presque continu des formes les plus préoccupantes de criminalité, à commencer par les homicides et les expressions les plus graves de la violence. (p. 9-10)
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Incipit:
"La France traverse la période la plus répressive de son histoire récente en temps de paix."
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La progression de la population carcérale est notable sur tous les continents. [...] Certes, l'évolution de la population carcérale ne suffit ni à décrire les tendances répressives d'une société ni à en épuiser les manifestations, mais elle en est un bon indice.
Dès lors, quand de telles régularités apparaissent au plan mondial, il faut supposer qu'elles attestent un fait majeur qui transcende les singularités historiques nationales. Ce fait a une temporalité : il s'amorce dans les années 1970 et 1980 et s'accélère ensuite à des rythmes variables selon les pays. Je propose de parler de moment punitif. (p. 15)
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En vingt ans, aux États-Unis, la proportion de libérations sous conditions financières en attente du procès et le montant déterminé pour les cautions n'ont cessé d'augmenter. La sélection économique est ainsi devenue, indépendamment de la gravité des faits reprochés, un ressort essentiel de discrimination au regard du maintien en détention provisoire.
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« Peut-être faut-il l'interpréter [l'apparente contradiction entre la responsabilité individuelle et la dimension sociale du crime et du châtiment] comme un déni de réalité, au sens où les psychanalystes utilisent cette formule, à savoir une forclusion de ce qui serait insupportable à admettre. Si, en effet, il s'avérait qu'on punit de plus en plus indépendamment de l'évolution de la criminalité, qu'on pénalise les infractions moins en fonction de leur gravité qu'en fonction de ceux qui les commettent, qu'on sélectionne ainsi pour les sanctionner et souvent les enfermer les catégories les plus fragiles sur le plan socio-économique et les plus marginalisées pour des raisons ethno-raciales, et qu'enfin tout ce processus rend la société à moyen terme moins sûre et à long terme plus divisée, alors on devine combien cette révélation serait intolérable aux démocraties contemporaines. Par contraste, on comprend que considérer que chaque personne condamnée est responsable de son acte, qu'elle mérite son châtiment, fût-il particulièrement dur, et que l'institution pénale protège ainsi la sécurité des citoyens paraisse plus acceptable. La seconde version est assurément plus gratifiante que la première sur un plan moral. » (p. 147)
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L'expansion carcérale s'accompagne d'une différenciation socioéconomique et ethnoraciale marquée, les hommes de milieu populaire et de famille immigrée étant fortement surreprésentés.
[...] On pourrait se demander si la composition de la population carcérale n'est pas, après tout, le simple reflet de la population criminelle et délinquante, et si le plus grand nombre d'hommes pauvres, chômeurs, noirs et arabes en prison, n'est pas, en fait, la conséquence de ce qu'ils commettent plus de crimes et de délits.
[...] La lutte contre la drogue en offre une illustration remarquable. Car le déplacement de sa cible ne s'est pas seulement opéré en termes de pratiques et de substances, il s'est aussi manifesté au niveau du public visé, les jeunes de milieu populaire et d'origine immigrée venant progressivement prendre la place des jeunes souvent blancs et de classe moyenne principalement concernés par l'épidémie de toxicomanie qui avait suscité la loi de 1970. Ce que révèle donc l'histoire de la lutte contre la drogue, c'est que l'extension de la définition des illégalismes qu'on entend réprimer permet de mieux orienter cette répression : en passant du trafic d'héroïne à l'usage de cannabis, on s'autorise à circonscrire la population que l'on veut sanctionner, c'est-à-dire à punir essentiellement ceux qu'on a définis a priori comme punissables. C'est par ce mécanisme que plus de sévérité induit plus d'inégalité.
[...] C'est justement en choisissant les infractions qu'il faut sanctionner et en déterminant parmi les auteurs ceux qu'il faut cibler que la pénalité est le mieux à même d'opérer des différenciations au sein de la société : la consommation de cannabis plutôt que l'abus de biens sociaux ; les patrouilles de police dans les quartiers populaires plutôt que dans les zones résidentielles. Ces différenciations ne sont bien sûr pas socialement neutres : elles relèguent les uns et protègent les autres. La répression sélective de certaines catégories d'illégalismes et de populations joue ainsi un rôle important dans la production et la reproduction des disparités sociales. (p. 128-134)
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