Citations sur Noces de jasmin (52)
Je fais naître la lune dans son regard. Je vois dans ses yeux que je l’habite déjà. C’est un amour si fort, dès cette première fois, un amour si fort qu’il frôle les sens, la peau et imprègne les chairs. Au fond, l’amour commence peut-être ainsi, par la peau, les ongles qui la lacèrent, les cris, les gémissements, les bouches qui s’absorbent, les corps qui s’avalent, la brutalité, mais aussi la tendresse, les corps qui se détachent après la jouissance et qui ne se touchent plus, l’amour qui se tait enfin, les corps qui s’effleurent à nouveau, qui font leurs aveux. C’est peut-être cela la vraie jouissance, crier la plainte d’un bonheur insoutenable.
Je l’ai souvent revue ces dernières semaines. Il y a tellement d’intensité en elle. Elle m’attire. Elle m’intrigue. Entre mes mains, elle est tout, femme, enfant, amante. Mais se glisser vers elle, c’est aussi être happé par elle, par le désir d’elle, et ça me fait peur. Alors, je m’envole plusieurs heures, parfois une journée entière. Et je reviens.
Depuis que je suis dans cette geôle, le vide.
Je l’imagine sur sa terrasse. Elle regarde la mer.
" La nuit, sous le jasmin, la brise et les fleurs m’entourent, les branches se penchent sur moi et essuient mes larmes. Sous le jasmin, je me suis posé, j’ai accordé le luth et j’ai chanté. J’ai beaucoup pleuré quand je me suis souvenu de toi. Tu me manques et je suis inquiet. Pas de lune et pas de bruit d’oiseaux, seule la brise sur les arbres me tient compagnie et me console. "
A peine esquissée, on la nomme « la révolution de jasmin ». On en souligne l'incroyable douceur, peut-être à cause de ce mélange insolite de colère et de retenue, de révolte et de dignité ; Le jour dans la rue ; la nuit, devant l'écran. En vérité, de ces brins de jasmins, nous avons fait des triques de fortune et des câbles virtuels pour nous défendre.
Je crois que nous créons notre destinée de façon intègre lorsque nous alignons ce que nous disons, pensons et faisons.
Contraintes qui font naître des mots, ses mots, soi. L’écriture. Le mouvement. La vie. La liberté. Le désir. La naissance.
Écrire, c’est comme l’amour. C’est nu.
Je puise dans mes souvenirs. J’ai désiré, j’ai aimé, j’ai été conquis, deux ou trois fois dans ma vie. Je décris les étreintes, la tension érotique, la montée du désir. J’imagine leur peau sous mes doigts, sous mes lèvres, ma main dans leurs cheveux, leur sourire sur le point d’exister et leurs mains annonçant leurs baisers. Dans la douceur de ces moments d’écriture, je rêve surtout d’Essia, avec un pincement au cœur. Peut-être croit-elle que je l’ai abandonnée. J’espère la retrouver suffisamment tôt pour que ses désirs, lassés, ne s’envolent pas.
J’aime cette magie de pouvoir se transporter en pensée dans l’univers et les émotions de quelqu’un. Comme nous, l’être de papier jouit de la pelouse en été, il lutte contre la pluie torrentielle en hiver, il se lèche les doigts après avoir dégusté une gaufre au chocolat, il résiste aux fléaux de son ère, il naît, se réinvente, vieillit et meurt.
Dehors, la Tunisie s'embrase. Les quartiers brûlent.
On peut empêcher un peuple de s'exprimer mais non de penser.
Peut-être qu'au fond, il faut réinventer sa liberté. C'est la seule loi qui vaille et que l'on peut se donner à soi-même.