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Critique de florigny


Au moment où la grande faucheuse étend son ombre menaçante surgit souvent le pressant besoin d'une action rédemptrice chez le futur décédé. Dans un brutal souci de délivrance, il fait le bilan de sa vie, cherche à réparer les mauvaises actions dont il se sent coupable, avant le grand saut dans l'éternité. Damian Baxter n'échappe pas à cette tendance humaine. In extremis il se souvient avoir reçu 20 ans plus tôt, la lettre anonyme d'une femme qui l'accusait d'avoir gâché sa vie à cause d'une grossesse non désirée. Damian souhaite léguer son immense fortune à cet enfant inconnu. Pour le rechercher, il convoque son meilleur ennemi, le narrateur, lui confie une liste des femmes qui pourraient chronologiquement être la mère de ce descendant accidentel.


Le narrateur et Damian se sont connus en 1968 à Cambridge. le premier évolue dans le monde moribond de l'aristocratie dont il connaît et applique tous les codes multiséculaires jusqu'aux tableaux d'ancêtres sur les murs. le second appartient au monde émergent de la roture qui doit travailler pour vivre, des self-made men, des nouveaux riches dont leur éducation ne leur a pas inculqué à quelle heure exacte et en quelles circonstances précises il faut porter une jaquette, une queue-de-pie ou un smoking.


Passé imparfait est très habilement construit : le lecteur apprend dès les premières pages du roman que l'amitié entre Damian et le narrateur a été irrémédiablement brisée au cours d'événements mystérieux en 1970. Il s'agit d'un premier suspense auquel s'en ajoute un second : qui peut bien être cette énigmatique maman qui a donné naissance au fruit d'une éphémère aventure ? Un lecteur perspicace se dit que la dernière femme rencontrée sera la bonne. Oui mais ce serait trop simple pour Julian Fellowes qui connaît son boulot. Les rencontres avec les potentielles mères sont l'occasion pour l'auteur de dresser de magnifiques portraits de femmes. Toutes sont issues de l'aristocratie, et ont été les premières victimes de ce système élitiste qui ne leur conférait comme seules compétences que celles d'hameçonner des hommes de leur rang, puis d'enfanter des héritiers. Toutes ont vécu l'effondrement de leur monde, la ruine financière de leurs familles, toutes ont survécu, plus ou moins mal.


Julian Fellowes s'adonne à une longue et lente déambulation dans les méandres des quatre dernières décennies. En ethnologue, il décrit dans les moindres détails les manies alimentaires ou vestimentaires, les règles immuables de cette curieuse tribu qui a forgé sa propre perte à force d'immobilisme. Dans certains chapitres, j'ai eu l'impression d'être dans un zoo, devant une cage contenant les derniers specimens d'une espèce en voie de disparition, mi-fascinée par leur rareté, mi-effrayée à l'idée qu'ils pourraient me dévorer dans une quelconque jungle, surtout sociale.


J'ai apprécié ce roman crépusculaire et doucement mélancolique comme on apprécie de lire un document historique ou de regarder une photo sepia qui restitue l'ambiance d'une époque révolue et permet de mesurer le temps qui passe.
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