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Critique de michfred


A la question : Fitzgerald - le héros de Haka- peut-il décemment avoir un fils spirituel aussi brutal, aussi toxico, aussi testostéroné – et néanmoins aussi fleur bleue- que lui, Caryl Ferey dans Utu répond : oui, Paul Osborne !

Il est juste un peu moins Maori. Quand même, pas un de ces pakehas, ces pâles petits blancs colonisateurs- un métis, sans père, mais avec des yeux jaunes, des yeux de bête sauvage, ce qui compense largement..

Paul Osborne, donc, prend la relève en terre maorie, après la disparition apocalyptique de Fitzgerald et de quelques dizaines d'autres…

Un flic, lui aussi.

Pas plus clean que son prédécesseur : toujours chargé à tout ce qui se sniffe, s'injecte ou se fume, prêt à en découdre sans se faire prier, n'hésitant pas à tirer une balle dans le genou de son supérieur hiérarchique pour avoir les coudées franches sur une enquête, pas avare de sa personne non plus : Rosemary, la femme de son coéquipier, Ann, une ravissante top-model, Amelia, la toute jeune assistante du coroner, toutes y passent allègrement , même si aucune ne remplace son seul et unique amour de jeunesse, Hana, la belle et sombre Maorie, éternellement poursuivie, et éternellement insaisissable…

Voilà pour les poncifs…mais ce serait manquer aux attentes du lecteur- petit –poucet-amateur- de -polar que de lui refuser ces cailloux pour baliser sa route…surtout en terra incognita !

Tout le reste, en effet, est profondément et vigoureusement original : la Nouvelle-Zélande, le « pays du long nuage blanc » est cette fois nettement plus présente que dans Haka - et toujours plus dépaysante.

Au fil des péripéties, et avec autant de rigueur que de doigté, nous voilà instruits des rites et coutumes maoris, comme les élèves de ces kohangareos, ces écoles maories où s'apprennent les hakas.

Ni les mokos, ces tatouages rituels des guerriers maoris exécutés par le tohunga, chaman et homme-médecine de haut savoir-faire, ni le uhi, ce couteau à inciser les chairs, bistouri du tatoueur expérimenté…taillé dans un fémur humain, ni le culte de Hauhau, institué anciennement pour résister à la colonisation britannique et brutalement ressuscité, ni le mana qui est l'âme et la force d'un Maori , ni son attachement à sa terre- son turangawaewae, littéralement lieu où il peut se tenir droit- ne nous demeurent étrangers..

Et enfin, moko sur le mana (ou cerise sur le gâteau), Tu-Nui-a-Ranga, la hache de guerre, la hache sacrificielle , la hache à décapiter les ennemis - qui devait servir à aiguiller sur une fausse piste notre beau métis aux yeux jaunes, loin des magouilles politicardes et immobilières qui font les beaux jours des nantis et de leurs hommes de main, police comprise… ce qui aura pour effet, évidemment , (avec l'aide de quelques substances psychotropes), de décupler ses facultés neuronales et de le jeter, au contraire, sur les traces encore fraîches du scandale et de l'horreur…

Je vous laisse découvrir ce que sont les mokomakaïs…
Un indice : Utu veut dire vengeance…

Un superbe polar, lyrique, hystérique et fou, dopé à l'humour noir, mais totalement maîtrisé et construit comme une symphonie…le final vaut son pétant de dynamite… Des personnages attachants et bien campés : Paul, Hana, Amelia- et moi, qui ai toujours un faible pour les kupapas (non, je ne traduirai pas…) sans espoir de pardon, j'ajouterais Jon Timu, vieux policier maori doublement condamné et père d'un enfant trisomique, Mark.

Mark, un innocent : le seul peut-être de cette sombre course vers l'abîme…

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