Pétillante. C'est le mot qui vient à l'esprit lorsqu'on rencontre Véronique Ovaldé. Dans ses romans comme dans la conversation, cette amoureuse des livres nous embarque dans son univers et nous donne envie de lire avec passion et ardeur.
À l'occasion de la parution de son roman Fille en colère sur un banc de pierre, coup de coeur de nos libraires Laure et Rozenn, elle est venue nous rendre visite à Dialogues pour une rencontre avec les lecteurs brestois et l'enregistrement de ce podcast.
Au fil de la conversation, elle nous parle de la vocation d'écrivain, des pouvoirs de la lecture, du territoire de l'enfance, des mécaniques si universelles de la famille, du plaisir de raconter et elle nous confie un conseil de lecture.
Bibliographie :
- Fille en colère sur un banc de pierre, de Véronique Ovaldé (éd. Flammarion)
https://www.librairiedialogues.fr/livre/21642815-fille-en-colere-sur-un-banc-de-pierre-veronique-ovalde-flammarion
- le Sommeil des poissons, de Véronique Ovaldé (éd. Points)
https://www.librairiedialogues.fr/livre/16827842-le-sommeil-des-poissons-roman-veronique-ovalde-points
- Et mon coeur transparent, de Véronique Ovaldé (éd. J'ai lu)
https://www.librairiedialogues.fr/livre/1111003-et-mon-coeur-transparent-roman-veronique-ovalde-j-ai-lu
- Ce que je sais de Vera Candida, de Véronique Ovaldé (éd. J'ai lu)
https://www.librairiedialogues.fr/livre/21358349-ce-que-je-sais-de-vera-candida-veronique-ovalde-j-ai-lu
- Comment devenir écrivain quand on vient de la grande plouquerie internationale, de Caryl Férey (éd. Points)
https://www.librairiedialogues.fr/livre/20370606-comment-devenir-ecrivain-quand-on-vient-de-la-g--caryl-ferey-points
- le Bruit et la Fureur, de William Faulkner (éd. Folio)
https://www.librairiedialogues.fr/livre/520924-le-bruit-et-la-fureur-william-faulkner-folio
- le Pays des phrases courtes, de Stine Pilgaard (éd. le Bruit du monde)
https://www.librairiedialogues.fr/livre/20666810-le-pays-des-phrases-courtes-stine-pilgaard-bruit-du-monde
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Il y a une passion commune aux gens qui n'en ont pas : celle de se plaindre.
Quand il en parlait, Daniel avait le duende, cette fulgurance créatrice chère à Lorca qu'on trouvait parfois dans la passe d'un torero, la voix d'une chanteuse ou la transe d'une danseuse de flamenco. Ce duende qui "renvoie muses et anges / comme des chiens savants dans la fange", Rubén le retrouvait dans les poèmes de son père, feux et lumières qui avaient ébloui son enfance.
Première partie-Petite Sœur-
Chap3 -p47-

Et puis le Golpe était survenu, le 24 mars 1976.
Videla, Massera, Agosti. De par ses origines sociales, Elena se croyait protégée des généraux qui, chacun représentant son corps d'armée, s'érigèrent en gardiens de la morale et de l'ordre chrétien : le fameux Procéssus de Réorganisation nationale. Malgré ses choix de vie, Elena représentait la vieille droite du pays, péroniste à ses heures. Elle dut vite déchanter.
Œuvres étrangères interdites, publications surveillées, autodafé de livres d'histoire et de culture générale trop empreints de "marxisme", le paysage littéraire se dissolvait dans la terreur diffuse et l'autocensure. Des écrivains disparaissaient.
Sociologie, philosophie, psychologie, politique, même les livres de mathématiques devinrent bientôt introuvables. [...] D'après le pouvoir en place, les subversifs étaient "déguisés en homme de la rue", ce qui justifiait une répression tous azimuts.
Deuxième partie - Le cahier triste-
Chap 2 - p229 -
"Les Mexicains descendent des Aztèques, les Péruviens des Incas, les Colombiens des Mayas, les Argentins descendent du bateau", raillait le dicton.
Les narcos rendaient accros des gosses entre six et huit ans, les faisaient dealer jusqu’à l’adolescence pour se payer leurs doses ; les plus débrouillards devenaient des tueurs occasionnels ou patentés.
"Nous ne savions pas mentir : nous n'étions pas encore civilisés".
Jo Prat avait créé son groupe de rock au début des années 80, quand les militaires avaient dû lâcher du lest face à la pression sociale. Los Desaparecidos avaient salué la victoire de la démocratie au stade Obras Sanitarias, portés par une foule vengeresse :
Milicos, hijos de puta ! Qué es lo que han hecho con los desaparecidos ?!
La guerra sucia, la corrupción son la peor mierda que ha tenido la nación !
Qué paso con las Malvinas ?
Esos chicos ya no estan, no podemos olvidarlos y por eso vamos a luchar* !
*. "Militaires, fils de pute ! Qu'avez-vous fait des disparus ?!
La guerre sale, la corruption, voilà la pire merde arrivée à la nation !
Que s'est-il passé aux Malouines ?
Ces enfants déjà ne sont plus, nous ne pouvons pas les oublier et pour ça nous continuons la lutte ! "
Première partie- Petite sœur-
Chap. 4 - p 78 -
Débarquant sur le continent après avoir colonisé les Caraïbes, les conquistadores espagnols avaient donné le nom de Christophe Colomb à ces terres luxuriantes - Colombia - avant d' y prendre pied et d'en massacrer les autochtones. Ceux qui avaient survécu aux maladies importées d'Europe avaient servi de bêtes de somme, tombant comme des mouches dans les mines et les champs pendant que l'Inquisition torturait les hérétiques, les accusés de sorcellerie, les innocents, les folles, leurs fils. Il avait fallu l'intervention du dominicain Las Casas auprès du pape pour que les Indiens obtiennent le statut d'être humain, soit autant d'âmes à évangéliser et quelques bols de soupe à se partager car Dieu est amour.
Ceux-là ne ramassaient pas seulement les cartons, ils vivaient parmi eux. Une famille entière, anonyme, recyclée elle aussi.
Ils s'étaient construit une barricade, une coquille vide qu'ils refermaient derrière eux la nuit venue pour se protéger du froid, des chiens errants, des paumés ; ils en ressortaient le matin, raides d'un sommeil sans mémoire, tout de guenilles et sales, incapables de dire merci aux rares passants qui leur donnaient la pièce.
Ils étaient devenus cartons.
Chasser pour le seul plaisir de tuer, voilà bien la marque d’une espèce qui mériterait du plomb dans la cervelle.