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Critique de miriam


En ce qui concerne le style de Ferrari, il est magistral.

La construction du roman est brillante. le narrateur est le prêtre qui sert la messe des funérailles de sa nièce et filleule, Antonia. Un choeur  chante en polyphonie ; chaque partie du Requiem est le titre des chapitres. Je ne connais pas la liturgie, je ne peux faire les correspondances, je suppose qu'il y en a. Cette messe va raconter la vie de la défunte - une photographe de presse.

C'est donc l'histoire d'une jeune femme d'aujourd'hui, fascinée par les photographies anciennes, à qui son parrain, le prêtre, a offert son premier appareil photo, qui deviendra photographe dans un quotidien régional ; lassée de couvrir les concours de pétanques et les événements provinciaux, elle part comme photographe de guerre en Bosnie et en Serbie. A son Image a pour thème l'image photographiée, le témoignage des photographes de presse. Curieux hasard, j'ai lu le mois dernier Miss Sarajevo, l'histoire d'un photographe de cette même guerre.

"Oui, les images sont une porte ouverte sur l'éternité. Mais la photographie ne dit rien de l'éternité, elle se complaît dans l'éphémère, atteste de l'irréversible et renvoie tout au néant.."

Photographier l'horreur de la guerre, "les massacres, les déportations [...]brutalement arrachés à la sphère de l'intime pour être exposés en pleine lumière" . Dès 1911, on attend de Gaston C "qui'l tienne la chronique minutieuse des défaites de l'empire Ottoman" en Lybie, quand les troupes italiennes s'emparent de la Tripolitaine, qu'il illustre la propagande colonialiste italienne en quelque sorte . Il prend des photos d'un massacre impossibles à publier, puis la pendaison des responsables du massacre, quatorze arabes pendus en chapelet d'un même gibet, puissance de l'image, déjà!

De l'autre côté de la Méditerranée, dans les Balkans, un autre photographe, Rista développe les pellicules trouvées sur des soldats autrichiens et "découvre que, curieusement, les hommes aiment à conserver le souvenir émouvant de leurs crimes, comme de leurs noces, de la naissance de leurs enfants[...]Tout au long du siècle qui commence ils prendront des photos de leurs victimes, abattues ou crucifiées le long des routes d'Anatolie comme dans un jeu de miroirs  multipliant à l'infinie l'image du christ, ils poseront inlassablement le long d'une fosse pleine de corps nus...."

Réflexion sur le pouvoir des images, et sur la fascination pour les images horribles. La photographie comme témoignage, comme propagande, doit-on tout photographier?

Les images racontent l'horreur  tout au long du 20ème siècle, le long des guerres qui l'ont ravagé.

Plus près d'Antonia, en Corse, une autre sorte de guerre - celle que les indépendantistes croient mener contre le pouvoir colonialiste - mobilise les garçons du village. Antonia assiste à ces réunions clandestines des hommes cagoulés, ses photos valident la mise en scène  "Sous son objectif tous ses amis évoquaient des personnages de tragédie en proie à d'indicibles tourments, ce qui pouvait bien être le cas... "Antonia comme les autres filles sont réduites au rôle de compagnes des combattants. Rôle, oh combien  traditionnel. Antonia devient "la femme de Pascal B.", qui est arrêté, puis incarcéré. Elle ne peut se contente de ce rôle et le quittera. Plasticages, ruptures dans le FNLC, compétition des attentats....

En 1991, Antonia arrive à Belgrade, rejoindre la guerre qui vient d'éclater, elle prend des photos qui'l et impossible de regarder, elle écrit à son parrain "Je sais que certaines choses doivent rester cachées" , photos obscènes, "il y a tant de façon de se montrer obscènes". Elle montre les photos à son parrain, "c'est le péché, murmure-t-il". "elle se sent de plus en plus mal à l'aise que les photos qu'elle a prises aujourd'hui pourraient être publiées. " et ne développera pas ces photos...

Réflexion sur le pouvoir des images, leur obscénité dans la complaisance, sur la violence. Portrait d'une femme. Ce roman est riche. Toutefois, la répétition de la violence, le machisme ambiant m'ont gênée dans la lecture de ce roman.

Omniprésence de la mort, dans ce Requiem. Depuis Colomba, ou Matéo Falcone, la Corse peut -elle se passer de cette culture des lamentations des morts?






Lien : http://miriampanigel.blog.le..
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