Oui, les images sont une porte ouverte sur l’éternité. Mais la photographie ne dit rien de l’éternité, elle se complaît dans l’éphémère, atteste de l’irréversible et renvoie tout au néant.
... les photographies opposaient l’impénétrabilité de leur surface à toute quête de profondeur.
... elle considérait l’avenir de son île avec une terreur vierge de toute condescendance parce que d’un lieu où l’on applaudit les revendications d’assassinats, on ne peut attendre que le pire.
... l’issue d’un combat entre le désir et la loyauté [est] rarement incertaine.
Il entend les rires et les rires le blessent malgré lui, que suis-je devenu ? se demande-t-il, car il aimait jadis sentir la persistance de la vie côtoyer le recueillement du deuil, la maladresse insouciante de la vie, il aimait la rumeur des conversations enjouées, au seuil même de l'église, et jamais il ne s'est offensé de la candeur des rires ?
(...) dans un sens, j'étais bien incapable de soulager la souffrance, du moins la sienne, et à son retour de Yougoslavie, elle a fini par ne plus me supporter du tout, la foi n'était plus pour elle une erreur ou une naïveté dont on pouvait à la rigueur se moquer , c'était une faute morale, une infamie, le symptôme d'un aveuglement coupable et monstrueux (...) (p. 96)
À Zagreb, ..... Curzio M. est reçu par le dirigeant de l’État indépendant de Croatie qui lui montre avec émotion le précieux cadeau reçu de ses Oustachis, un saladier rempli d’yeux arrachés. S’il n’est pas prudent d’accorder une foi trop littérale au témoignage de Curzio M., on ne peut qu’admirer le talent qu’il déploie pour condenser la multiplicité de situations complexes en une seule inoubliable parabole.
Elle apprit à développer elle-même ses négatifs dans les effluves acides des produits chimiques et du vin rosé que son père achetait en gros à la coopérative avant de le mettre lui-même en bouteilles.
Mais vient le moment redoutable où il est impossible de se tenir plus longtemps à l'abri du rituel, il faut prononcer devant l'assemblée et devant le défunt les mots maladroits qu'on a choisis dans la solitude , dont on ne sait jamais s'ils seront trop mélodramatiques ou, au contraire trop désinvoltes (...) (p. 93)
Elle ne rêvait plus de produire autre chose que des images tout aussi éphémères que le papier journal sur lequel elles étaient quotidiennement imprimées et qui, chaque soir, s'il ne servait pas à allumer les feux de cheminée, finissait dans une poubelle avec les épluchures de légumes, le marc de café et les mégots.