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Critique de KotolineBastacosi


Déjà je suis heureuse de n'avoir pas eu à acheter ce livre, puisqu'on me l'a prêté... Depuis quelques années, je n'achète plus le Goncourt, quand on sait toutes les magouilles qui tournent autour de ce prix, destiné jadis à récompenser une oeuvre superbe.

Ici, on est encore dans la prétention littéraire, dans "le grandiose", dans le style "artiste", cher aux Goncourt, mais qui eux savaient écrire ! Il est si facile d'user d'un style qui "en fout plein la vue", pour les néophytes qui s'extasient à la moindre phrase un peu tarabiscotée, qui sonne "chic", qui se démarque des petits auteurs à la semaine (Ferrari, cependant, semble écrire de plus en plus de romans qui sentent le vite fait bien fait, avec toujours la "noirceur" ou "l'ambiance malsaine" qui est désormais sa griffe de prédilection !

Mais quelle emphase ! On a reproché les phrases qui tiennent sur deux pages, sans un point pour les aérer, pour reprendre son souffle. Cela fait chic, vous comprenez. Cela montre le prof qui a lu Proust et qui ne peut s'empêcher d'en laisser quelques bribes, pour épater son lecteur qui ne tarde pas d'ailleurs à perdre pied et haleine. Car la simplicité, c'est aussi un art, un GRAND ART, et puis laissons à Proust sa spécialité !

Mais s'il n'y avait que ces petits défauts de forme ! C'est que le fond, "le sujet" est complètement raté ! Allez chercher des comparaisons qui sont incomparables, comme la chute de l'empire romain avec un petit bar minable dans un petit village minable de Corse, comme il en existe tant - en Corse comme ailleurs - mais cela a plu à beaucoup de Corses, d'ailleurs, qui ne tiennent pas tous, fort heureusement, un bar qui est à la fois un "bordel" et tout ce que vous voudrez de détestable. J'ai trouvé les différentes histoires qui s'y passent tirées par les cheveux, invraisemblables !! Mais comparer la Chute de Rome en prenant l'emphatique discours de notre bon vieux Saint Augustin, avec la destinée de deux jeunes garçons ratés (qui abandonnent "la culture", autrement dit "la philosophie", qui est... l'art de la sagesse et de la raison, pour prendre en main un bar effondré et libidineux), en comparant ainsi un pauvre crime commis sur un pauvre bougre par un pauvre emplâtre puant le vin et décérébré, aux trésors des civilisations romaines, voilà qui frise toutes les figures de rhétorique de l'exagération et Dieu sait s'il y en a !

L'histoire en elle-même pouvait être "bien traitée", mais à condition de trouver la forme et le ton original et non convenu, rien de nouveau sous le soleil, mais le style à lui seul fait miracle ! Or Ferrari nous a ennuyés, nous a enlisés, nous a menés en bateau et fichu le mal de mer tout au long du bouquin. Mais combien je te remercie, l'ami, d'avoir fait court ! jamais je n'aurais pu arriver à la fin de ton histoire ! il est vrai que cela a dû être éreintant de tenir le rythme, quand tout est si difficile, si fouillé, si recherché ! Ma parole ! c'est qu'ils sont doués les petits profs de philosophie, aujourd'hui ! et que n'inventent-ils pas pour semer la terreur chez le lecteur ou provoquer chez lui ce sentiment de "sublime", cher au pseudo-Longin : « La nuit de la fin du monde était calme. Nul cavalier vandale. Nul guerrier wisigoth. Libero faisait la caisse, le pistolet posé sur le comptoir.» Non, les amis, vous ne rêvez pas, la fin du monde arrive, l'eschatologie approche, on va juste zigouiller un pauvre type, et puis tout recommencera comme au début des temps !

On s'attendait à quelque chose d'original, on aurait voulu s'enflammer pour les héros, les prendre en empathie, trembler, rire, vivre quoi ! Non ! on a baillé, comme toujours, on a ri aussi devant la pauvreté grandiloquente des moyens employés pour faire "grand siècle", on en a eu ras le bol !

Et qu'on laisse Augustin tranquille ! comment un tel titre a-t-il pu se présenter pour un ouvrage aussi puéril, aussi banal, aussi fallacieux et creux, et... emmerdant, allez, je l'ai dit !

Je vous en conjure : ne lisez plus le Goncourt, il vous fera perdre votre temps et votre argent. Ou alors, faites comme moi : vous vous le faites prêter, et puis, après, vous vous régalez à écrire un petit article, pour plaire à ceux qui auront partagé vos moments inoubliables !

Mais encore un dernier mot : il se peut bien que Ferrari ait compris la psychologie des lecteurs d'aujourd'hui : faire du convenu, de l'attendu, ne pas déranger les médias, être un reporter à la mode (à la mode corse, ça saute encore mieux !), ne pas faire des vagues (en Méditerranée, pourtant il y en a pas mal), jouer encore la carte "du tourisme", de cette île où "tout peut arriver", et en cela il est encore en adéquation avec la presse locale qui signale presque tous les quinze jours un assassinat !), le tout enrubanné d'un style grandiose et à la fois "vrai" et trivial, puisqu'il y a des passages où les expressions écrites sont familières, peu soutenues, voire très choquantes par rapport au "grand style" !

J'en ai assez dit ! Ce n'est pas demain que je lirai du Ferrari, qui pond régulièrement des livres, tranquillement installé au Qatar. Pas mal pour un petit prof de philo, qui a trouvé les gogos de France pour se faire une réputation et empocher du fric facilement, tout en RIDICULISANT, une fois de plus, la VRAIE LITTERATURE.
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