Les pauvres n’ont pas les moyens d’avoir des ennemis.
C’est incroyable le nombre de femmes qui arpentent le monde de leurs jolies jambes. Pas loin de trois milliards en arrondissant à la sauvage. Si l’on n’en retient que les vraiment belles, celles qui vous tordent le cœur dès le premier regard, on doit encore avoisiner les cinq cents millions. En ne privilégiant, parmi celles- ci, que les plus futées, les esprits acérés, subtils, sensibles et cultivés, on avoisine encore les cent millions. Sur ces cent millions, combien resterait- il de femmes qui soient disposées à partager, ne serait- ce que fugitivement, la vie d’un machin bizarroïde et tourmenté comme moi ? Trois ? Cinq au mieux, si on prend en compte les suicidaires ? Et quelles probabilités pour que ces cinq kamikazes vivent en Europe ? En France ? À Paris ? À Belleville ? Dans mon immeuble ? (Note personnelle : et ce n'est que le tout début)
Les habitants eux- mêmes semblaient tous neufs, comme si on venait de les repeindre ou de les sortir de leur boîte. Ils étaient beaux, propres, souvent blonds, toujours bien coiffés et souriaient comme si on venait de leur forer un deuxième trou du cul. En ce samedi, beaucoup de familles déambulaient par les rues et offraient le spectacle d’un bonheur ripoliné échappé d’une pub des années soixante : papas alertes nourris au grain, mamans parfaites à la beauté frigide et chevaline, ribambelles de chiards homologués au physique de chiots de concours.
« Tout homme qui n’a pas été anarchiste à vingt ans est un imbécile, mais c’en est un autre s’il l’est encore à quarante. » Et je préfère être un imbécile qu’un gros con de bourgeois.
Quant à ses thuriféraires, dont le sens moral et le niveau culturel devaient se situer légèrement en dessous de ceux du ténia, leurs commentaires avaient des vertus émétiques et laxatives qui auraient fait rêver l’industrie pharmaceutique.
Un vieux machin bizarre comme moi a tout pour plaire à une antiquaire.
La connerie, surtout à haute dose, a quelque chose de salissant pour ceux qui s’en approchent.
Ces jeunes dindons devaient avoir eu un souci lors de l’acquisition de leur schéma corporel, car ils confondaient manifestement leur bouche et leur anus. En effet, tout ce qui franchissait la barrière de leurs lèvres relevait davantage de l’excrément que de la parole.
La commerçante me scruta de ses petits yeux glacés confits dans la graisse. Toute trace de sympathie commerciale avait déserté ces prunelles aussi pleines d’intelligence que deux trous de pisse dans la neige.
Rien que du vide. Un insondable vide. Le vide du froid et de la mort. Car n’est- ce pas l’aspiration ultime de la bourgeoisie : étendre sur le monde le somptueux linceul de l’immobilité et de la permanence. Que rien ne bouge, que rien ne change. Jamais, nulle part. Que tout soit sous contrôle. Que tout soit mort. Que tout soit tranquille !