Dans les rues de Gênes, des milliers et des milliers de personnes avaient vécu simultanément, au même endroit, aux mêmes heures – les mêmes émotions, les mêmes sentiments – la journée la plus terrorisante de leur existence. Et pour beaucoup d'entre eux ce n'était pas encore fini. Il ne pouvait pas savoir qu'une nouvelle limite allait être franchie, dépassant tous ceux qui étaient imaginable.
La mémoire […] n’est pas neutre, c’est un conflit constant.
Je m'en vais, lui ai-je dit.
Et j'avais dit ça en faisant semblant d'être le héros d'un roman. En tout cas j'essayais. J'essayais de ne pas être moi, dans notre chambre. C'était un livre, à ce moment-là, qui parlait pour moi. Je m'en vais, lui ai-je dit, et c'était un personnage de fiction, pas moi, qui disait ça, mais ensuite ses larmes ont mouillé mon épaule, dans notre dernière étreinte, et ça, ce n'était pas de la littérature.
Je ne les ai plus regardés parce que ce n'était plus ma – notre – sécurité. C'était l'ennemi, maintenant. Et c'étaient eux qui avaient décidé de l’être, en tendant une véritable embuscade au cortège.
Rien ne change depuis longtemps en Italie. Depuis le fascisme. (Antonio Tabucchi)