Vous connaissez le proverbe qui dit : « Il n’est point de grand homme pour son valet de chambre » ? Le proverbe a menti cette fois ; j’ai été le valet, puis le secrétaire du colonel Bozzo-Corona, et je déclare que c’est un grand homme, un très grand homme, un plus grand homme que les grands hommes qui découvrent par hasard l’imprimerie, l’Amérique ou la vapeur : il a trouvé par le calcul des probabilités un truc qui garantit le meurtre et le vol contre les chances du châtiment, il a inventé l’assurance en cas de scélératesse.
Le sentiment généralement éprouvé par l’assistance était une compassion assez vive pour l’ignorance inconcevable de maman Léo.
Il n’est pas permis, en effet, d’ignorer certaines choses, et, selon les couches sociales, ces choses qu’on n’a pas le droit d’ignorer changent.
En haut, la chose est, le plus souvent, un vaudeville, dont les personnages sont invariablement M. le duc ou M. le comte, Mme la comtesse ou Mme la duchesse, outre monsieur Arthur, qui peut avoir tous les noms de baptême du calendrier.
Ce vaudeville est toujours le même, et toujours très amusant, à ce qu’il paraît, car son succès se prolonge sempiternellement.
En bas, c’est un drame qui varie un peu plus que le vaudeville élégant, mais où il faut cependant un élément immuable : le sang.
Au lieu de repasser la chronique de l’adultère, enrichi de diamants, qui fait les délices des grands, les petits radotent avec une fidélité pareille la chanson favorite du crime.
Cela n’empêche pas la vertu d’être fort considérée chez nous, mais on n’en parle jamais.