"Des changements s’opéraient également chez le maître des lieux. Il devenait moins exigeant, essayait de tempérer son humeur et ne s’évertuait plus à répandre le pop-corn au caramel sur le carrelage du salon pour la forcer à nettoyer derrière lui. Il ne bourrait pas non plus la panière à linge en se changeant trois fois par jour et, cerise sur le gâteau, elle reçut le jour de son anniversaire une énorme boîte de macarons, accompagnée d’une suspension de corvées. Comment connaissait-il sa date de naissance ? Elle préférait ne pas y penser, mais voilà, il lui accordait un minimum de considération."
J’ai cru que jamais plus je ne pourrais te dire combien je t’aime. Je t’aime, Bé, tu m’entends ? Je t’aime plus que tout...
-B6-244 n'est pas vraiment une fille. Il s'agit d'une infra, ne l'oublie pas.
À partir de ce jour, son nom se réduirait à B6-244. Les professeurs de Rivelle Institut l’avaient choisi d’un commun accord pour intégrer le programme de mixité en raison de ses excellentes aptitudes scolaires. D’où venait l’idée d’une supériorité intellectuelle chez les ultra-sapiens ? B6-244 l’ignorait. Reposait-elle sur un quelconque fondement ? Elle espérait bien que non. De toute façon, elle ne tarderait pas à montrer à tous ces pédants génétiquement modifiés qu’elle possédait autant de matière grise qu’eux, voire davantage. Quand bien même ce n’était pas gagné d’avance, elle éprouvait une certaine fierté à représenter une classe sociale durement stigmatisée. Pourquoi les infra-sapiens ne méritaient-ils pas d’accéder à un enseignement de qualité ? Refuser d’intégrer des boursiers allait à l’encontre du bon sens et des droits fondamentaux de l’Homme. Frontverde pouvait se vanter d’appartenir aux meilleures écoles, elle ne restait pas moins de celles qui cautionnaient les inégalités de traitement. Du moins, pour l’instant.
B6-244 mit un certain temps avant de réaliser l’ampleur du bouleversement que représentait son engagement, mais elle se savait prête à présent. Perdre une partie de son identité s’avérait difficile à accepter. Néanmoins, elle l’endurerait, et ce jusqu’au bout, quel que soit l’accueil que lui réserveraient ses nouveaux camarades.
Le fils Von Baren restait néanmoins convaincu d'une chose : le hasard avait fait de Sixtine la plus belle de toutes les femmes. Elle ne se voulait pas parfaite, mais elle était unique.
Avant, il ne requérait la présence de personne. Il se passait de tout et de tout le monde. A présent, il ne se voyait plus vivre sans elle.
Pour B6-244, la médecine progressait au détriment de la sagesse et de la tolérance. Les parents devraient mettre au monde leurs enfants que dans un seul but ; porter sur leurs épaules le fruit de leur amour.
La perfection régnait, à l'instar de ces élèves modèles trop bien nés qui, comme Dali, pouvaient mourir d'une overdose d'autosatisfaction à chaque introspection.
Grosso modo, en endossant son matricule, B6-244 renonçait au statut juridique dont bénéficiait toute personne physique. Elle acceptait, à l'instar de A7-165, la possibilité de se faire lyncher sans pouvoir attenter un procès à ses persécuteurs pour réclamer des dommages et intérêts.
Il avait osé rêver partager sa vie avec elle, mais le Ciel ne l'entendait pas ainsi et finissait immanquablement par lui arracher les personne qu'il chérissait.