Citations sur Encabanée (122)
Les poèmes, il faut les garder pour la fin, les savourer à la lueur d’une bougie. Mes yeux picotent derrière les volutes de fumée bleue. Dis, Marie-Jeanne, l’errance, n’est-ce pas la fuite du moment présent ? Et moi, pourquoi suis-je venue m’enfouir dans la plus rude des saisons ? Pour endormir mes passions et me cacher au fond d’un rang, comme dans un écrin de neige ? Je comprendrai pourquoi je suis ici lorsque j’aurai tout lu.
Je laisse partir une flamme, mais elle a attisé en moi le goût de défendre la Terre. Moi aussi, je mènerai un combat, mais sans armes, sans vandalisme, sans sensationnalisme. Dans les limites légales de la désobéissance civile et dans la sagesse de Thoreau. Je planterai des arbres par milliers, je sèmerai des fleurs pour nourrir les rares abeilles, je vivrai de ma terre en métamorphosant la plantation d’épinettes en espace où la faune et la flore seront foisonnantes. Avec chaque sou économisé, j’achèterai toutes les forêts privées et les champs avoisinants en monoculture, et je les laisserai en friche, fleurir sans coupes, pousser en paix. Ma vie reprend du sens dans ma forêt.
Malgré la rigueur de ma vie ici, le verre d’eau sur la table me paraît encore à moitié plein… même s’il est plein de glace.
Simplicité, autonomie, respect de la nature. Le temps de méditer sur ce qui compte vraiment. Le temps que la symphonie des prédateurs, la nuit, laisse place à l'émerveillement.
Je m’emboucane dans la cabane comme prisonnière de l’hiver ou prise en mer sans terre en vue, les hublots embués, les idées floues. Tragique, la beauté des arbres nus me donne envie d’écrire, de sortir mon vieux journal de noctambule et de m’enfoncer dans les courtepointes aux motifs de ma jeunesse, d’y réchauffer mes jambes que je n’épile plus, à la fois rêches et douces comme la peau d’un kiwi. Le vent porte l’odeur musquée des feuilles mortes sous la neige, et j’attends un printemps précoce comme on espère le Québec libre. Le temps doux reviendra. L’avenir changera de couleur.
Je veux marcher dans les bois sans jamais penser au temps. Je n’ai pas besoin de montre, d’assurances, d’hormones synthétiques, de colorant à cheveux, de piscine hors terre, de téléphone cellulaire plus intelligent que moi, d’un GPS pour guider mes pas, de sacoche griffée, de vêtements neufs, d’avortements cliniques, de cache cernes, d’un faux diamant collé sur une de mes canines, ni d’amies qui me jalousent. De toutes ces choses qui forment le mirage d’une vie réussie. Consommer pour combler un vide tellement profond qu’il donne le vertige. S’accrocher à des bouées de masse. Se peindre des masques de clown triste.
La lune illumine le désert blanc. Immense. Immortel. La cabane se tient là dans son ombre, comme un perce-neige.
Les jambes à mon cou, je traversais la ville, comme si j'avais entendu les sirènes infernales qui précèdent les bombardements.
Le moral est la première chose à ne pas perdre quand on est perdu.
Le grand-duc m'accompagne de son houhou feutré. Je lève la tête et le cherche du regard. Il est là, perché dans le tremble mort au bord de l'eau. Au bord de la glace, plutôt. La nuit ne tarde pas à plonger la forêt dans le noir ébène. La flamme d'une chandelle oubliée se noie dans la cire sur la table de chevet. Je fais l'ange dans une couette de neige si douillette que je pourrais m'y endormir. Une belle mort dans la grande noirceur.