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Critique de gerardmuller



REQUIEM /Luc Fivet
Alors qu'il effectue salle Pleyel un retour que l'on prédit triomphal, le pianiste virtuose Rémy Bonsecours, un peu sosie de Vladimir Horowitz, spécialiste de Mozart interprétant alors le premier mouvement du sombre concerto pour piano N°20 K 466, est pris d'un malaise en hurlant comme une bahulée le prénom de Mozart à toute la salle et décède peu après dans sa loge.
Parmi les spectateurs mélomanes se trouve le narrateur, Denis Augain journaliste au Monde de la Musique, qui d'entrée nous surprend dans son compte rendu de l'événement en déclarant ad litteram que Bonsecours avait ruiné sa vie ! On est alors pressé de savoir pourquoi.
Convoqué par son rédacteur en chef, Denis se voit confié en tant que témoin privilégié du drame la tâche de rédiger un dossier sur Bonsecours, sa vie, son oeuvre …etc. Il apprend de son rédacteur qu'il a été choisi personnellement par Bonsecours pour assister au concert.
le virtuose, homme excentrique et génial, mais personnage atrabilaire, fut de tout temps un artiste très secret refusant tout interview. Reste à Denis de rencontrer des gens qui l'ont bien connu, des proches et des parents, des amis et des collègues. Mais personne ne sait quoi que ce soit de son enfance ni de son éducation musicale. On sait juste qu'il est né au Canada et qu'il avait une passion inattingible pour Glenn Gould et les manuscrits des grands compositeurs. Né vers 1940, il était apparu soudain en 1965, avait connu un succès retentissant, ne jouant que Mozart, littéralement affidé au compositeur, pour disparaitre un beau jour avant de revenir le soir fatidique et ultime.
Denis parvient à rencontrer le secrétaire de Bonsecours, un certain Jérôme Clerc qui le reçoit au domicile du virtuose défunt et lui explique qu'il est le premier journaliste à être admis en ces lieux.
Bonsecours était totalement indifférent aux applaudissements du public, à la célébrité, aux honneurs. Il avait une collection de partitions manuscrites originaux de compositeurs, peut-être unique au monde, avec notamment le Requiem inachevé de Mozart. L'émotion de Denis est grande quand Clerc lui présente cette pièce avec en prime la Water Music de Haendel, l'Offrande musicale de Bach et les Quatre saisons de Vivaldi. En fait Bonsecours ne donnait des concerts que pour s'offrir ces pièces uniques. Mozart était toujours seul au programme. Ensuite fortune faite, il a cessé les concerts pour se consacrer à l'étude des manuscrits.
Denis fait la rencontre de Henri Millet, un chef d'orchestre de notoriété internationale qui va le mettre sur des pistes intéressantes dans son enquête journalistique pour comprendre la vie secrète de Bonsecours. Denis et Henri tombent d'accord pour constater que la vie de Bonsecours recoupe en tout point celle de Mozart : apparition soudaine, renommée internationale, lent oubli et fin brutale. Car il faut savoir que Mozart, après les années de triomphe lors de son enfance et de son adolescence connut l'oubli et la misère à l'âge adulte avant de connaître un dernier succès avec « La Flûte enchantée » et de mourir à trente-cinq ans en laissant une partition inachevée sur son lit de mort, celle du Requiem qui allait le faire accéder à l'immortalité, grâce aussi à son élève Süssmayer qui sut le terminer.
Une rencontre avec le régisseur de la salle Pleyel s'avère riche d'enseignements, un homme qui a pu observer Bonsecours, le qualifiant de capricieux et de paranoïaque. Lors de son dernier concert, quel mystère a poussé Bonsecours à ne pas demander de cachet : il a joué gratuitement !
Et puis examinant machinalement le Bösendorfer personnel de Bonsecours encore en place au lendemain du drame, Denis découvre une petite partition de quelques notes, bien cachée dans la table d'harmonie du piano et signée Bonsecours, dont il s'empare. En vérité il s'agit d'un rébus musical laissé par Bonsecours, et qui va réveiller une des plus grandes énigmes de l'histoire : la mort en pleine force de l'âge de Mozart et l'inachèvement du Requiem.
Accompagné de la belle et tempétueuse flûtiste Laura Klugh, Denis se demande si quelqu'un, à l'époque, n'aurait pas eu intérêt à ce que le Requiem restât inachevé.
Une nouvelle éclate bientôt : l'autopsie de Bonsecours fait apparaître qu'il a été empoisonné ! Rappelons-nous que l'hypothèse que Mozart ait été empoisonné n'a jamais été élucidée ! Et des faits étranges vont se succéder dans les jours qui suivent : les ordinateurs de la revue à laquelle contribue Denis ont été piratés sans effraction ! le pirate connaissait les mots de passe forcément ! Étrange également la cérémonie funèbre à la Sainte Chapelle avec quelques initiés triés sur le tas dont Denis qui en est tout surpris ; étrange car Bonsecours était athée ! ce qui ne l'empêcha pas de faire des séjours tel un anachorète au monastère bénédictin de Saint Wandrille ! Et puis la mort du secrétaire de Bonsecours par pendaison, un moment supposée suicidaire puis avérée être un crime. Enfin la mise à sac de l'appartement de Denis sans que rien soit dérobé !
Une visite à la cathédrale d'Amiens, le plus grand édifice gothique de France, apporte quelques nouvelles pistes à Denis quand il rencontre l'organiste et apprend que Bonsecours était mesquin, manipulateur voire odieux.
Denis et Laura vont parcourir l'Europe sur les traces du jeune Mozart, de Paris à Vienne en passant par Venise et Londres. Mais une ombre les suit et une course poursuite va s'engager pleine de danger mortel pour les deux, à la recherche notamment des causes de la mort de Mozart. La mort de Bonsecours et toutes celles qui ont suivi s'articulent autour d'un seul et même thème : la mort d'un certain Wolfgang Amadeus Mozart jeté à la fosse commune.
Un roman de suspense absolument captivant dans lequel on découvre une foule d'anecdotes et de digressions sur le monde de la musique. Notamment l'origine de l'appellation des notes par Guido Arezzo, un moine italien du XIe siècle qui nous a laissé le Micrologus Musica dont le manuscrit se trouve à la Bibliothèque de Vatican. Également des lignes sur Josquin Des Prés qui fut le plus grand musicien de la Renaissance et dont le rôle dans le dénouement de l'histoire va s'avérer important. Car le thème de l'ouverture de la Flûte enchantée se retrouve dans le motet à quatre voix de Josquin Des Prés « Illibata Dei Virgo » !! Tour à tour les grands musiciens des temps passés apparaissent qui ont laissé une trace au sujet de cette énigme que constitue la mort de Mozart, Haydn inventeur de la symphonie, Vivaldi le prêtre roux séducteur, Haendel qui fut le premier à introduire la trompette dans l'orchestre dans la Water Music, Bach le pur génie avec le sommet de l'art du clavier que constituent les « Variations Goldberg », Beethoven avec l'Ode à la joie de la IX e symphonie qui a rapproché les hommes de l'Europe en devenant leur hymne. La musique est un art merveilleux : elle rapproche les hommes. Aussi l'étude de la musique nécessite-t-elle une grande abnégation, et hélas de nos jours on se contente bien souvent de la consommer…avec des écouteurs dans les oreilles…
Au chapitre des reproches, on peut juste regretter quelques longueurs dans l'évolution de l'intrigue qui parfois n'apparaît que comme un prétexte pour nous faire découvrir le monde de la musique, ainsi que quelques personnages caricaturaux comme le compositeur de musique d'avant-garde Poinçonné ou encore la cantatrice Angelina Casar. Et puis parfois l'ambiance ésotérique et de secrets qui règne dans certains chapitres peut nuire à la crédibilité de l'histoire et rendre un peu touffue l'intrigue et délicate la compréhension du secret inhérent au Requiem, mais cela est discutable.
Malgré ces quelques réserves, le roman reste passionnant et original et mérite largement d'être lu, legato et crescendo.



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