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Critique de Espai


Je suis assez mitigée. L'intrigue prenante et bien construite de La Prêtresse esclave fut une bonne surprise, cependant gâchée en partie par un style que j'ai trouvé faible et pas toujours agréable à mon goût.

L'univers de la prêtresse esclave est un premier canevas séduisant : dans un monde inspiré des civilisations antiques (mésopotamiennes apparemment, même si j'ai plutôt pensé à l'Égypte ancienne en lisant), la famille dirigeante de l'empire que nous suivons s'attache des "oblats", esclaves dont l'un des sens est partagé avec leur maître (la vue, la force, le toucher...). Cette étrange relation magique a tout de suite captivé mon imagination, avec son potentiel narratif. Tout cela créé un dépaysement agréable, sans forcément couper le souffle.

Mais surtout, j'ai trouvé que Victor Fleury a su créer une intrigue adroite, qui a gardé mon attention du début à la fin. Pas de temps morts, mais de nouvelles questions narratives soulevées régulièrement, aux réponses globalement satisfaisantes et aux promesses tenues. On se questionne sur les motivations des personnages, on s'intéresse aux évènements qui s'enchaînent... Ce qui est souvent une faiblesse en fantasy francophone à mon avis est ici réussi.

Par contre... j'ai vraiment eu un problème avec l'écriture. Je vais détailler ce qui n'allait pas pour moi, pour que vous puissiez juger si c'est juste moi qui suis difficile, ou si c'est un problème qui vous gênerait aussi.

Pour moi, il y a deux types de styles qui fonctionnent bien en fantasy (et même, en général), que j'appellerais le style poétique, ou le style invisible. Le style poétique repose sur une écriture travaillée, imagée et jouant sur les mots et les sons, qui peut frapper au coeur (Naomi Naovik réussi bien cet exercice à mon goût, ou Alain Damasio en francophone) sans forcément tomber dans l'excès de la "masturbation intellectuelle" qui rend un livre illisible pour moi (comme Pierre-Fendre de Brice Tarvel le fut). Quant au style invisible, c'est le contraire : il s'efforce de s'effacer, en n'utilisant ni grandiloquence, ni figures de styles, et laisse ainsi entièrement place à l'intrigue. C'est le genre d'écriture qu'on oublie complètement en lisant, qui passe à l'arrière plan, comme Brandon Sanderson.

Le problème ici, c'est que Victor Fleury ne nous offre ni style poétique, ni style invisible.

On a clairement pas une écriture poétique : le style de Victor Fleury est purement descriptif (il se passe ceci, tel personnage fait cela), avec quasiment aucune métaphore, comparaison, euphémises, etc. le vocabulaire est présent et maîtrisé, mais les mots ne servent qu'à décrire, et ne laissent la place à aucun sous-entendus. En soi, pourquoi pas.

Par contre, on est pas non plus dans un style invisible : je m'arrêtais régulièrement pour lever les yeux au ciel en lisant. En fait, pour moi, Victor Fleury fait beaucoup de répétitions. Pas des répétitions de mots (on remarque aisément que toute la palette des synonymes est utilisée pour les éviter) mais des répétitions d'idées. C'est à dire qu'on va montrer quelque chose dans la narration, et on va le matraquer de nouveau dans les descriptions. En conséquence, on répète ce qui a déjà été sous-entendus. Deux exemples tirés vers les 30% du bouquin.

"Damiq recula, les traits ravagés par l'épouvante.
— le dieu des eaux nourrissantes est contre nous ! s'affola-t-il. Nous devrions tout de suite lui faire des sacrifices afin de regagner ses faveurs !
Nisaba fronça les sourcils, guère convaincue. L'oblat de puissance [Damiq] se laissait submerger par son zèle religieux."

Outre le fait qu'on a à la fois la description de l'épouvante de Damiq, puis le tag "s'affola" qui répète un peu la même chose, on a surtout la phrase prononcée qui montre que la religion est importante pour le personnage. Et ensuite, juste après, l'auteur explique que le personnage se laisse "submerger par son zèle religieux", ce qui a déjà été subtilement montré dans le dialogue. Donc on ressasse les mêmes informations. Surtout que c'est une idée qui est à ce stade apparue déjà de nombreuse fois dans le livre...

Autre exemple :

"— Pourquoi les habitants des marécages se fatigueraient-ils à faire du bel ouvrage ? commenta le scribe. Les crues emportent tout quand les affluents changent de lit au gré des saisons. Les locaux construisent et reconstruisent leur villages depuis des générations.
L'histoire des peuples du Pays-Des-Deux-Fleuves n'avait pas de secret pour l'érudit."

Idem, on montre via le dialogue que le scribe connait bien le sujet dont il parle, et on répète encore une fois la même idée, juste après la démonstration de celle-ci. Alors que, encore une fois, c'est un personnage qui a déjà été présenté de nombreuses fois comme érudit depuis le début du bouquin.

Au mieux, l'écriture paraît maladroite, au pire j'avais parfois l'impression d'être prise pour une enfant par l'auteur. A tout cela, il faut ajouter quelques maladresses de type personnages qui s'expliquent des choses qu'ils sont censés connaître. Ce qui a rendu ma lecture parfois désagréable, et m'a fait sortir du texte régulièrement.

L'intrigue était suffisamment bien construite pour me garder dans l'histoire, mais la gêne fut suffisante pour me faire réfléchir à deux fois avant d'acheter le second tome. A vous de voir si vous êtes aussi chiants que moi sur le style, ou si ces petites détails ne vous dérangent pas !
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