AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de gatsbi


Voilà une novella qui porte bien son nom : sous la forme d'un roman choral, elle s'attache à faire ressortir des connexions entre six personnages. À tel point qu'elle ressemble plus à un exercice de style littéraire qu'au récit d'une véritable histoire.


Cette lecture m'a rappelé le Fleuve des dieux, de Ian McDonald.
Pour la forme, bien sûr, mais aussi pour la diversité des personnages.

Ici l'action se déroule aux États-Unis, à notre époque.
Novella oblige, tout est minimaliste. Les six personnages sont introduits successivement, individuellement. Et déjà on est aux deux tiers du livre ! Tout s'emballe ensuite, avec trois chapitres où les connexions déjà esquissées se matérialisent, et où l'action se précipite.

Ce mini roman est difficile à évaluer. Je le trouve plutôt inégal, avec de gros points forts, et des points noirs.

Le positif :

- le style de l'auteur est agréable. C'est bien sûr subjectif, mais personnellement j'ai plutôt été conquis.
La narration est particulièrement détachée, avec un point de vue omniscient (on pense à la voix off de Dogville). Alors que cette distance pourrait être un frein à l'identification ou du moins l'immersion, ce n'est pas le cas : le narrateur adopte en effet une grande liberté de ton et de jugement dans le récit des différentes trames, et cela rend la lecture très plaisante. Il y a une bonne dose d'humour désinvolte, avec un point de vue souvent décalé du narrateur, alternant défense des personnages et tacles gentils.
Le style lui-même est plus travaillé que fluide (de belles métaphores et un gros usage des pronoms relatifs pour varier l'ordre des propositions).

- le sens de la scène est là ; actions et réactions sont très bien décrites. Dès le premier chapitre, j'étais emballé.

- Globalement, il y a plein d'idées sympathiques, tant concernant les personnages et leur background qu'au niveau des intrigues.

Le négatif :

- Il y a ce long dialogue entre Stacey et Nagkmur à la fin du deuxième chapitre, qui est une horreur : on y apprend le passé commun des deux personnages à une lointaine époque, et c'est une succession sans fin de noms, de dates et d'évènements. le hic, c'est qu'à moins d'être calé en Histoire, difficile de distinguer, parmi ces références, lesquelles appartiennent à L Histoire vraie, lesquelles sont de la fiction plaquée sur L Histoire vraie et lesquelles font partie d'une éventuelle uchronie. Pour couronner le tout, ces éléments sont donnés alternativement par les deux personnages, sachant que chacun en a ses propres souvenirs, et qu'ils cherchent eux-mêmes à consolider cette connaissance parcellaire et incertaine... Sachant qu'à ce moment du récit, tout porte à croire que cet échange est essentiel à la compréhension de la suite, j'ai bien failli abandonner ! Finalement j'ai choisi de continuer, et avec le recul, je pense qu'on peut facilement relativiser l'importance de ces informations pour la compréhension globale du récit.

- Hormis ce deuxième chapitre qui est particulier, il y a une augmentation exponentielle des « connections » entre les personnages et leurs trames. Bien que celles-ci soient fort bien racontées, et individuellement plutôt claires, on en arrive très vite à saturer sous le nombre des faits à mémoriser pour ne pas perdre le fil. Il faut s'imaginer chaque personnage avec ses propres motivations et ses propres connaissances. Par ailleurs, chacun est grosso modo à la poursuite d'un ou deux autres personnages, dont il connait (ou croit connaitre) partiellement les motivations et les connaissances. Tous finissent par se retrouver en un même lieu, ce qui conduit à une explosion combinatoire des « connections ». Personnellement, ma mémoire n'a pas pu suivre, et j'avais conscience de survoler avant même d'atteindre le règlement de compte final.

- L'auteur a très clairement choisi de construire son scénario en imbriquant deux grandes trames/thèmes. L'une basée sur l'espace (avec une invasion classique d'extraterrestres), l'autre sur le temps (avec les paradoxes non moins classiques). Cela crée une impression de grosse confusion ou de mélange des genres. Au mieux, on dira que c'est cohérent avec le gros bordel généré par les « connexions » des personnages (et sincèrement, je pense que c'était l'idée).


Mon impression générale après cette lecture, c'est une belle expérience proche de l'OVNI littéraire. Mais il n'y a à mon avis rien de sérieux dans ce texte, qui offre un divertissement de bonne facture pour peu qu'on supporte la quantité d'informations à retenir (on peut bien sûr le lire plusieurs fois). Quand je dis que ce texte ne fait pas dans le sérieux, c'est qu'il n'y a pas de prétention à la crédibilité, ni de création d'un univers fouillé et cohérent, ni d'intrigue profonde. Toutes choses qu'on trouvera, à contrario, dans le Fleuve des dieux. Mais avec ses 860 pages, l'oeuvre de Ian McDonald ne joue pas dans la même catégorie.

Il y a un peu de Men in Black dans « Connexions ».
On pense aussi à La Ligue des gentlemen extraordinaires, avec ce panel des personnages si particuliers.
Une ode sympathique à la SF populaire, en somme, dont elle parodie les grands thèmes.
Commenter  J’apprécie          175



Ont apprécié cette critique (17)voir plus




{* *}