...l'amour n'est pas un vol, mais un don.
"Tu sais comment je suis tombée amoureux de ta mère ? "lança-t-il au silence.
Ainsi dans la pénombre menaçante, il entama le récit qu'il avait conservé au fond de lui, telle une bouteille de bon vin qu'on garde à la cave pour la déboucher dans une grande occasion...
Il aurait pu hasarder que certains adultes ne méritent pas la charge qu’on leur a confiée et que les enfants dissimulent parfois leur être véritable pour s’adapter aux attentes de ceux qui devraient leur apprendre à s’exprimer librement.
Certains estiment que les mots sont des auspices. Des clés ouvrant les portes des chambres obscures. Ces pièces qui restent fermées des années durant et qu’on oublie. Voilà peut-être ce qui arrive aux hommes et aux femmes de cette terre : habiter des maisons aux nombreuses pièces fermées, susceptibles de dissimuler des trésors, mais aussi, très opportunément, de garder des secrets indicibles.
Enfant, il avait toujours pensé que les choses cessent d'exister lorsqu'elles prennent fin. Demain ça n'existera plus se disait-il. Pour lui, les erreurs figuraient parmi les événements qui s'autodétruisent en s'achevant. Elles existaient comme telles uniquement au moment où elles se produisent, voilà pourquoi il était légitime de les qualifier d'erreurs.
Léo (...) avait déclaré que, pour un homme qui s'intéressait si peu à son père, il s'inquiétait anormalement de son avis sur leur relation. Et Sergio avait été d'une certaine façon touché par la franchise avec laquelle le garçon savait mettre à nu ses faiblesses.
Il aurait pu hasarder que certains adultes ne méritent pas la charge qu'on leur a confiée et que les enfants dissimulent parfois leur être véritable pour s'adapter aux attentes de ceux qui devraient leur apprendre à s'exprimer librement. Mais cette théorie n'aurait pas convenu à son cas : sa mère l'avait adoré au point de considérer son moindre souffle, comme un bien précieux.
Sergio ignorait pourquoi il n'arrivait pas à lui répondre. Il n'était pas blessé, il 'était pas déçu. Mais trop de choses s'étaient accumulées.
"Tu as dit que tu te noyais. Que tu te noyais! lui jeta Léo avec un immense chagrin. Tu sais quoi? Parfois on se noie parce qu'on veut se noyer!"
Ils tentaient de paraître désinvoltes, mais leur incapacité à endiguer la gêne qui les enveloppait chaque fois qu'ils mimaient en tête à tête une forme d'intimité les blessait.
Lorsqu'il se regardait en lui, il comprenait qu'il s'agissait d'un miroir infidèle ou trop fidèle. Une bonne dose d'approximation est nécessaire pour accepter le reflet de sa propre image.