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Critique de jlvlivres


« Shuni : Ce que tu dois savoir, Julie » (2020, Mémoire d'Encrier, 160 p.) est une longue lettre que Naomi Fontaine écrit à son ancienne amie Julie qui a quitté la communauté pour aller à Québec. Pas du tout un roman épistolaire, puisqu'il n'y a pas de réponse de Julie (ou pas encore). Plutôt une longue plainte, de ce qui a été, ce qui a changé, ce qui attend Julie. Une longue mise au point de la réalité des peuples innus.
Shuni tout d'abord. C'est Julie prononcé en langue innue, où le N et le l'se confondent. En fait il n'y a pas de L, comme il n'y a pas de B ou de d'ou de F. La langue comporte 11 consonnes et 7 voyelles, en fait 4 seulement car il y a les voyelles longues et les courtes. Et pour dire bonjour on dit « Kueil », et Merci, c'est plus long « Tshinashkumitin ». Restent le oui et non : « Eshe » et « Mauat ». Vous voilà paré pour engager la conversation.
Julie maintenant. « le père de Julie était pasteur. Quelques années après le début de sa mission, il avait fait construire l'église baptiste sur le boulevard Montagnais, juste devant le Conseil de bande ». En québecois, on parle de bande plutôt que de tribu. IL fait dire que les innus étaient essentiellement nomades, et pour cause, ils suivaient le gibier. Donc le père était pasteur, évangélisation des sauvages, un peu moins brutale que les catholiques.
Il faut dire que les Montagnais (qui regroupent les Premières Nations du Québec) étaient plus francophiles qu'anglophiles. Pour ces derniers c'étaient les Iroquois. Lire à ce sujet « Fathers and Crows » de William T. Vollmann (1992, Viking Press, 1008 p.) non encore traduit, je crois, en français mais cela pourrait s'intituler « Pères et Corbeaux ». Pas besoin de traduire, c'est simple. le texte se termine par un chapitre intitulé « Black Wings », passant ainsi des Black Gowns (Les Robes Noires) aux Black Wings (Les Ailes Noires) qui va de 1611 à 1990 qui raconte l'évolution de la vie des habitants de ces premières nations durant la colonisation. Parmi ces textes, les comptes rendus des jésuites étaient annuellement envoyées et nous sont parvenus. Je pense aux relations du Père Jean de Brébeuf, « Relations des Jésuites » de 1635 et 1636, qui servaient aussi d'introduction pour les futurs missionnaires. Elles ont été numérisées par les canadiens comme partie intégrante de leur histoire (http://bibnum2.banq.qc.ca/bna/numtxt/195694-2-(708-843).pdf ). Il déclare lui-même que c'est volontairement qu'il s'était jeté dans les mains des Iroquois : Il faut reconnaître que dans son « Avertissement d'importance », Jean de Brébeuf parlait principalement des conditions du voyage, de la brûlure du soleil, la « posture assez incommode » qu'on souffre en canoë, ainsi que sur le dégoût des « sagamités », fades bouillies de maïs, des « tahouac et puces en bon français, incomparablement plus importunes qu'en France », de la fumée des cabanes « si épaisse, si aigre et si opiniâtre » qu'elle altère la vision au point de ne pas « connaître quelque chose dans votre bréviaire ». Un véritable Guide du Routard avant l'heure. Par contre il ne parlait pas des tortures et autres scènes de cannibalisme, ne les ayant pas encore testées.
Retour aux protestants. « de l'extérieur, l'église ressemblait davantage à un centre communautaire qu'à un lieu de culte. Une quinzaine de croyants s'y rassemblaient le dimanche matin. Vêtus d'habits propres et accompagnés de leurs jeunes enfants. Jamais à l'heure. Parfois, certains y allaient pour la curiosité d'entrer dans une nouvelle construction. La religion protestante n'en était qu'à ses balbutiements chez les Innus de nature plutôt conservatrice et de confession catholique ». Mais cela peut servir d'être copine avec la fille du pasteur. « J'avais la certitude qu'elle me protégerait des ours parce qu'elle était la fille du pasteur et que ses prières seraient exaucées, contrairement aux miennes, moi fille de personne ».
Et on entre dans le vif du sujet « Permets-moi de te dire tout ce que tu dois savoir, Julie ».
« C'était avant les décrets canadiens. L'institution de la loi. Les dialogues sourds. La réserve comme une évidence. Qu'avaient-ils à perdre à délaisser leur vie dans la forêt pour s'installer là ? Ils y sont allés. Certains moins dociles que d'autres ». tot comme elle invoque ses grands-parents, elle invoque aussi surtout jeune fils « Petit Ours » « C'est lui, mon petit prince ».
Toute la culture transmise par ses grands-parents. « Et toi Julie, sais-tu reconnaître les pistes du lièvre ? Sais-tu lire le temps qu'il fera sur les feuilles des arbres ? Sais-tu entendre, au-delà de la souffrance qui est visible, le pouls d'un coeur qui s'accélère pour continuer à battre ? ».
« Ici, Shuni, le temps a la forme d'un cercle. Il évolue continuellement. Chacun suit le cercle du déroulement de sa vie. Comme les saisons se succèdent, se ressemblent. Dévoilant des parts cachées que nul ne soupçonnait ». « le cercle est différent d'un système linéaire de temps dans lequel la vie est une course du point A, la naissance, au point B, la mort. Entre les deux, les études, la carrière, le couple, la maison, la famille, la retraite. Dans cet ordre ».
On ira voir sur le site https://kwahiatonhk.com/ la vie et la culture des innues.
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