La première leçon est que tout portrait est, d’une certaine façon, un autoportrait, de même que tout autoportrait est un portrait.
(p.78)
L’art du portrait est un piège qui prive le peintre de toute inspiration venue du cœur
(p. 161)
[…] je trouvais le processus créateur aussi passionnant que le résultat final. M. Sabott m’avait enseigné à déchiffrer une peinture, à voir sous l’illusion des formes et à remarquer les coups de brosse, les divers pigments et la façon dont ils étaient appliqués. Chaque toile était alors pour moi un manuel m’apprenant à obtenir certain effet, à utiliser une technique donnée. Parfois, je plongeais dans la confluence de la couleur, de la texture et de la toile au point de voir réellement l’artiste planté devant son chevalet.
(p. 122)
Peu après, je me mis à faire d'étranges rêves, la nuit, des couleurs et des visions hantaient mon crane, des images délirantes aussi nombreuses que si j'avais rêvé pour trois. Les nuits n'étaient pas assez longues pour qu'elles s'évacuent toutes et elles commencèrent à se manifester dans la journée.
Pendant un temps infini, je contemplai simplement le rectangle posé sur le chevalet. Comme cela se passait chaque fois que je m’efforçais de trouver son image, elle finit par se matérialiser des miasmes du néant, et je vis une femme, mais pareille au Protée de l’Odyssée dont les formes ne cessaient de changer, c’était une femme composée d’innombrables femmes. Je pris mon souffle et je me concentrai, cherchant à mettre un terme aux rapides métamorphoses de son visage, au passage du blond au brun puis au roux de ses cheveux. Ce fut une entreprise assez frustrante, comme tenter de déterminer à quel moment exact l’on se doit de sauter sur un manège tournant à toute allure.