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Critique de berni_29


L'homme qui m'aimait tout bas, c'est un chant d'amour et d'innocence, le cri sourd d'un enfant devant l'incompréhension de la mort d'un père et de tous les questionnements qui scellent parfois des portes à jamais...
J'entre dans l'univers d'Éric Fottorino avec ce livre.
C'est un chagrin intime, celui d'un enfant au coeur inconsolable.
Inconsolable, parce que la mort de quelqu'un qu'on aime est déjà une révolte en soi... Inconsolable, parce que vouloir mourir, se donner délibérément la mort, comme cela sans prévenir, demeure toujours et à jamais un acte incompréhensible pour les proches...
Se donner la mort d'une balle dans la bouche, au bord d'un printemps... Celui qui s'est donné la mort ainsi, dans sa voiture un 11 mars 2008, n'était pas le père biologique d'Éric Fottorino, mais son père adoptif... Qu'importe !
Qu'importe ? Non, pas tout à fait. Avec beaucoup de poésie et de délicatesse, ce récit aborde le sujet. Ici, en effet, Éric Fottorino sait trouver les mots pour dire la filiation et la transmission qu'il y a dans l'acte d'être adopté. Je suis père adoptif de deux enfants, un garçon, une fille, j'ai été particulièrement touché par les mots qui affleurent le sujet. Comme c'est dit ici avec tant de justesse !
Dans l'adoption, ce sont les enfants qui adoptent les parents. Ici, je ne parle pas de l'acte légal mais de celui du coeur. Ici, les mots d'Éric Fottorino nous le rappellent à merveille...
" Toutes ces années, nous nous sommes aimés jusque dans nos différences ".
Éric Fottorino demeure dans ses pages un fils vivant, l'enfant tout bonnement qu'il est, qu'il sera toujours, un fils qui fait entendre la joie de vivre que lui a transmis ce père adoptif qu'il appela dès le début : Papa...
Nous découvrons le portrait d'un homme peint avec pudeur, un kinésithérapeute qui travaillait " à l'ancienne ". C'est le portrait d'un homme taiseux, qui lui a transmis le soleil de sa Tunisie natale. Peut-être ces pages fouillent ce silence, cherchent des clefs pour ouvrir l'indicible...
Il était secret, taiseux, ce père qui s'appelle Michel. Il se sentait libre jusqu'à ce 11 mars 2008 où s'affirma sa liberté sans explication...
Comment faire le deuil, après cela ? Tenter de descendre au fond du gouffre pour comprendre, chercher à comprendre pourquoi, descendre un peu plus bas, à tâtons, là où c'est profond, vertigineux, les mots voudraient éclairer cet abysse d'incompréhension, mais il n'y a rien à comprendre dans cette obscure volonté de mourir qui habitait son père...
Remonter alors jusqu'à la lumière, ce n'est plus le soleil de Tunisie...
Je pense que pour l'auteur, écrire ce livre fut une manière de parler à ce père, parler à quelqu'un qui se taisait souvent, derrière ses gestes beaux, " à l'ancienne ", qui se terrait peut-être derrière ses secrets...
Remonter encore un peu plus près de la lumière, poser cette clef qui n'a pas réussi à ouvrir les portes...
C'est comme un dialogue, avec des jeux d'enfant, des souvenirs et des rêves, des odeurs gorgées de soleil et d'épices, on voudrait que le temps se dilate à l'infini.
Écrire pour retenir ce qui peut l'être encore, avant que le temps ne s'ouvre, ne s'éventre, n'enfouisse tout, lentement ou d'un seul coup capricieux...
C'est un fil renoué. Nous sommes le funambule de ce fil tendu entre deux rives...
Poser la clef sur le bord du chemin au cas où...
Aimer tout bas... En silence, sans faire de bruit... Venir et se retirer sur la pointe des pieds, aimer comme cela, avec les blessures de l'âme... Un jour, quelqu'un m'a dit que le mot "aimer" se suffisait à lui-même. Ce soir, Éric Fottorino me convainc du contraire...
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