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Critique de Annette55


Au lieu dit des Soulaillans , Brun le vieux fermier, soixante- seize printemps , son père Léonce Danthôme , le patriarche avait succombé dès sa prime enfance à la modernité , dans sa mémoire , cinquante ans , après resurgissait la grande fête que l'ancêtre avait faite lors de l'arrivée flambant neuf du petit tracteur sorti des campagnes des chaînes Ford et des grandes plaines de l'oncle Sam
..Chez les Danthôme , alors , il fallait d'urgence produire pour éradiquer les famines sur toute la planète …
Brun , en meneur aimait surprendre et innover: vaches laitières , fabrication du Comté et autres Morbier , utilisation très tôt des pesticides ….
Soixante - ans après, , son vieux médecin , le docteur Caussimon à qui il fournissait depuis toujours volailles et fromages , légumes lui avait annoncé une grave maladie , résultats de la chimie balancée sur ses terres sans combinaison ,ni protection , avec des gants déchirés ou pas de gants du tout.
Il va mourir , laissera bientôt ses terres à son fils Mo , âgé de trente - sept ans , écolo , ne jure que par la lenteur des jours, la quiétude des herbages , les horizons préservés : coccinelles , fumure, couvert végétal ,engrais bio, fourrés , failles abruptes , pissenlits , boutons d'or , parfum des fleurs , haies vives remplies d'oiseaux, bourdonnement des abeilles , ample tilleul des Grands - Champs —— arbre tutélaire glorieux , indéracinable——-du chant des alouettes à cet or impalpable ——le temps des moissons —-qu'il fallait à tout prix préserver de la cupidité aveugle des hommes .
Les querelles entre le père et le fils , pudiques et obstinés , comme les gens de la terre, se réduisaient à un dialogue de sourds …

Avant de disparaître , pour éviter la faillite et gommer son image de pollueur Brun décide de couvrir ses champs de gigantesques éoliennes.
Lorsque le chantier démarre , c'est un déluge de fer et de béton qui s'abat sur la ferme de Mo.
Il ne supporte pas cette douloureuse invasion qui défigure les paysages , leur bruit de lasso, leur feulement régulier qui altère , détruit les équilibres entre les bêtes , la nature et l'homme .
Aux illusions de la modernité galopante Mo oppose agriculture durable, quête d'enracinement et espoir d'un avenir serein à visage humain .
«  Que faire pour le bonheur des champs ? » disait Virgile
Pour des raisons familiales et personnelles , j'ai beaucoup aimé ce livre , souvenirs d'enfance : surveillance de la météo , moindre orage ou gelée pernicieuse qui pouvaient tout détruire, longues veillées dans les champs travail harassant , discussions âpres à propos d'achats de matériel toujours plus coûteux, passion viscérale pour ce métier si particulièr.
On parlait déjà de la métamorphose de l'agriculture.
Personne pour reprendre des terres agricoles !
Qui a encore envie de faire ce métier si difficile , si peu apprécié, si méconnu, si décrié et si méprisé, surtout par les urbains ?
Personne !
Cette histoire pourrait se passer dans n'importe quelle région agricole de France.
L'auteur , avec tendresse , profondeur, retrace avec habileté , en connaisseur du monde paysan', l'histoire de l'agriculture française de la fin de la guerre jusqu'à nos jours , de l'optimisme , de l'entrain à une profonde détresse , le plan Marshall, l'exode rural, la création de fermes dotées de centaines d'hectares , le remboursement des crédits , les rendements , l'arrivée de la «  Chimie » pour «  protéger » les récoltes .
Il examine à la loupe les différentes mutations agricoles , c'est un roman au souffle long .
Dans un Jura rude , majestueux se nouera le destin d'une très longue lignée d'agriculteurs , de Léonce à Brun puis MO sans oublier le muet : Isidore et surtout la mère de Mo , institutrice , la belle Suzanne , disparue trop tôt !
Il dénonce à sa façon les partisans d'une agriculture intensive , les contre-vérités , les querelles parfois violentes et désordonnées pour une agriculture durable , respectueuse de l'environnement .
Il mobilise toute sa puissance narrative pour brosser le tableau d'une paysannerie en crise , ce monde qui ne veut pas mourir .
Il nous gratifie de très belles pages sur la relation père - fils .
Un très beau livre de rentrée , la fin est un peu surréaliste , mais on pardonnera à l'auteur.
«  Qui avait saccagé ce bonheur - là ?
Brun faisait défiler ses souvenirs mais aucun ne lui disait par qu'elle traîtrise la maladie s'était immiscée en lui aussi sûrement que les nitrates empoisonnaient les nappes d'eau profonde en aval de ses champs .
Tout ce en quoi il avait cru s'effondrait soudain. L'éclat blond des blés , les grains de maïs bien lourds et rebondis , les colzas pimpants , les capitules charnus du tournesol', toute cette beauté n'était donc que le visage trompeur de la mort » …
Bravo à Éric Fottorino , à l'écriture si sensible , touchante de sincérité et de vérité .
J'ai déjà lu plusieurs de ses livres , je n'ai jamais été déçue .
Merci à mon libraire qui m'a proposé cet ouvrage de rentrée .
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