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Critique de franksinatra


A l'aube des années 60, Blèmia Borowicz vient de fêter son demi-siècle et le monde est partout en ébullition. Armé de son fidèle Leica et de sa canne, on retrouve le reporter-photographe, témoin de son temps, en différents points du globe, tout comme ses compères Béla Prakash, dit le Choucas de Budapest et Pierre Pàzmàny dit Pàz.
Il est à Buenos-Aires, en compagnie de l'agent du Mossad, Dove Biekel, rencontré en 1948 lors de la partition de la Palestine qui donne naissance à l'Etat d'Israël, pour lui permettre, grâce à une photo, d'identifier formellement l'homme qui vit sous le nom de Ricardo Klement et qui n'est autre qu'Adolf Eichmann, le criminel de guerre nazi, que les services secrets juifs veulent enlever pour le traduire en justice à Jérusalem.
Il est ensuite à Paris, au sein de son agence Alpha-Press, sise rue Daguerre, comme une évidence. le pays est en pleine guerre d'Algérie et Boro, fidèle à ses idéaux de toujours, prend fait et cause pour le FLN qui réclame l'indépendance du pays. Il met son appartement à disposition des militants qui y organisent des réunions secrètes, transporte les fortes sommes d'argent qui alimentent les réseaux de soutien à Ahmed Ben Bella, Ferhat Abbas et Hocine Aït Ahmed, et assiste impuissant à la manifestation du 17 octobre 1961 qui dégénère et donne lieu à un déferlement de violence de la part des forces de l'ordre qui commettent les pires exactions sur les manifestants maghrébins qui défilaient pacifiquement.
Il est enfin à Berlin en cette période de la guerre froide qui oppose les alliés d'hier, l'URSS et les Etats-Unis. Les relations se tendent entre les deux blocs, les forces armées de l'Otan et celles du Pacte de Varsovie sont face à face et nombreux sont les évènements susceptibles de mettre le feu aux poudres et de déclencher une troisième guerre mondiale qui serait nucléaire, comme l'affaire de l'avion espion américain U2 abattu et dont le pilote a été capturé par les Soviétiques, celle de l'affaire de la Baie des Cochons à Cuba ou encore l'insurrection à Budapest en 1956 dont l'évocation ravive chez Boro sans doute les pires souvenirs de sa vie et constitue un drame personnel qui va le marquer à jamais puisqu'il perd son amour de toujours, sa cousine Maryika Vremler qu'il est venu retrouver dans sa ville natale au moment où le soulèvement populaire porteur d'espoir de liberté est maté par les chars T34 russes qui étouffent dans l'oeuf les velléités d'émancipation vis-à-vis du grand frère russe du peuple hongrois, sa Maryika, qui comme des milliers d'autres, tombe sous les balles de mitrailleuse lourde et dont la mort le laisse anéanti. A Berlin donc, dans la nuit du 12 au 13 août 1961 pour apporter au monde les premières photos de la construction du mur qui sépare Berlin Est de Berlin Ouest, véritable symbole physique de ce rideau de fer qui n'était jusqu'alors qu'une notion idéologique séparant la zone d'influence soviétique et communiste des pays occidentaux alliés des Etats-Unis. A Berlin toujours où il revient quelques mois plus tard pour aider Jolan, un jeune compatriote aperçu sur les barricades de Budapest et que Boro a pris en stop alors qu'il fuyait vers l'Autriche à l'instar des 200 000 hongrois qui ont pris le chemin de l'exil après la tentative de révolution. Les deux hommes ont tissé des liens amicaux forts et Boro a ramené Jolan avec lui à Paris pour lui apprendre le métier de photographe et en faire le quatrième mousquetaire magyar d'Alpha-Press. Jolan, que la haine des Russes qu'il a chevillée au corps a poussé à proposer ses services au SDECE, le contre-espionnage français ancêtre de la DGSE, et qui se retrouve amoureux d'une jeune pianiste virtuose internationale, fille d'un haut fonctionnaire au ministère de la Sécurité de l'Etat d'Allemagne de l'Est qu'il est chargé d'espionner. Ce dernier, ardent patriote, ne peut cependant pas fermer les yeux sur la chape de plomb qui s'abat sur son pays, les privilèges d'une nomenklatura et l'absence totale de liberté. Ses idées subversives sont vite remarquées par la Stasi et il est arrêté tandis que sa fille est placée sous étroite surveillance. L'apprenti espion à l'ouest, la pianiste à l'est, les deux jeunes gens se trouvent définitivement séparés à moins que Boro et quelques activistes ne trouvent le moyen d'exfiltrer la jeune fille.

Le tome 8, "la dame de Jérusalem" s'est arrêté en 1948, le tome 9 débute une douzaine d'années plus tard en 1960. C'est le temps qu'il nous a fallu attendre pour retrouver les aventures de l'élégant, désinvolte et bohème photographe boiteux, Blèmia Borowicz, le Khirguiz préféré de Germaine Fiffre l'inamovible secrétaire comptable d'Alpha-Press. Cet opus, les lecteurs ont bien cru qu'il ne verrait jamais le jour, malgré les deux mots magiques "à suivre" page 379 du tome 8. de longues années donc et surtout le décès de Jean Vautrin en 2015 nous ont laissé pensé que Boro c'était fini. Mais après une période de deuil légitime décrite de manière sensible dans une belle préface, Dan Franck a courageusement repris le flambeau pour écrire seul cette nouvelle aventure qu'il situe dans une période particulièrement riche en évènements d'importance comme la décolonisation et la guerre froide qui se prêtent à romancer L Histoire. Alors je remercie l'auteur de nous permettre à nouveau de nous plonger avec Blèmia dans des aventures qui mélangent savamment personnages réels et romanesques et qui s'appuient sur des faits historiques parfaitement décrits. Cependant je regrette néanmoins de ne pas retrouver la même intensité et dramaturgie présentes dans les tomes précédents où Boro était plus acteur que spectateur et dans lesquels "les méchants" présentaient des psychologies plus complexes et des caractères plus étoffés. Faut-il y voir un effet de vases communicants avec la complexification d'un monde en perte de repères moraux et politiques où le manichéisme n'est plus de mise comme il pouvait l'être durant la guerre ou alors est-ce dû à la légère perte de charisme du héros, qui ne se remet pas de la perte de Maryika et qui entraîne dans son sillage des adversaires qui perdent en puissance et en intérêt ? Mais qu'à cela ne tienne, car il est écrit, page 435, "à suivre" et nous attendons donc avec impatience le prochain volume, faisant confiance à Dan Franck pour qu'il ne mette pas douze ans à l'écrire.
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