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Critique de fabienne2909


« J'ai souvent rencontré des gens horrifiés que ma mère ait pu me raconter ses avortements. On encourage toujours les femmes à souffrir en silence. Et comment aurais-je pu comprendre sinon ?
Les enfants portent les silences de leurs mères. Des silences qui se transforment en chagrins qui durent. »

Je voudrais partager aujourd'hui une lecture impactante, d'une lecture nécessaire en ce qu'elle représente une barrière contre l'oubli, la certitude (l'illusion ?) que certaines avancées sociales ne peuvent être retirées tant elles constituent naturellement un droit, comme l'est la légalité de l'avortement. Et pourtant, les débats qui surgissent avec son intégration dans la Constitution représentent une mise en garde, rendant toujours plus actuels les mots de Simone de Beauvoir, malgré qu'ils soient lus et relus depuis des années : « N'oubliez jamais qu'il suffira d'une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis ».

Dans ce roman graphique percutant, Désirée Frappier, à l'aide de son mari Alain, transcende son histoire personnelle, elle dont la mère mit au monde trois enfants en seulement 24 mois, pour mettre en image la lutte des femmes pour obtenir le droit de disposer de leur corps comme elles l'entendent, pour simplement ne pas mourir d'une situation qui leur tombe dessus par malchance, et dont les conséquences ne sont pas seulement portées par elles, mais par toute la cellule familiale. En effet, comment assumer une maternité imposée ? aimer des enfants qui n'ont pas été désirés et réussir à ne pas leur faire porter ce poids ?

« le choix » illustre de manière pédagogique la situation plus que dangereuse dans laquelle les femmes se trouvaient en cas de grossesse non désirée (trouver une personne – une « faiseuse d'anges » - pour se débarrasser de l'embryon ou y procéder soi-même (!), dans des conditions sanitaires absentes, en mourir ou « au mieux » finir à l'hôpital mal soignée et inquiétée par la justice pour avoir enfreint la loi – le roman graphique explique ainsi les tenants et aboutissants du fameux procès de Bobigny remporté en 1972 par Me Gisèle Halimi), l'organisation de la révolte par des mouvement comme le Mouvement pour la liberté de l'avortement et de la contraception (MLAC) et le courage de ces femmes qui effectuaient des avortements clandestins, la révolution que constitua la loi Veil, adoptée en novembre 1974 malgré ses imperfections. Des interviews de médecins et militantes du MLAC illustrent scientifiquement et rationnellement ce documentaire, permettant de donner des arguments contre les personnes qui seraient encore opposées de nos jours à ce droit. Des annexes composées d'articles de journaux permettent de saisir quelles étaient les mentalités de l'époque et la violence des oppositions conservatrices patriarcales, qui tentent d'ailleurs toujours régulièrement de revenir sur ces droits, comme par exemple en 2013 en Espagne. Une représentation des instruments nécessaires aux avortements clandestins font également froid dans le dos et sont un symbole de cette période moyenâgeuse alors qu'elle date d'à peine 50 ans !

Je connaissais les grandes lignes de la loi Veil, du courage et de la détermination qu'il fallut à la ministre Simone Veil pour ne pas fléchir devant le tombereau d'horreurs que l'opposition lui balança, et pour remporter l'adoption de la loi ; j'étais ignorante en revanche de ce silence entourant les naissances rapprochées de la génération me précédant (signe que le tabou est encore assez présent). Et pourtant je me pensais bien informée. Je le répète, ce roman graphique est nécessaire, voire d'utilité publique.
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